Fuir ou rester? Le dilemme de Waad El Kateab

La guerre n’a ni couleur, ni religion, ni ethnie, ni terre. Elle s’installe, s’éternise sur les territoires et ces habitants n’ont de but que de survivre et de se maintenir en vie quoi qu’il arrive ; quitte à s’exiler loin de chez eux pour aspirer à un avenir meilleur pour eux et leurs familles. Fuir la guerre, la famine, le siège, la dictature ou rester en sursis, pour une vie de résistance en côtoyant la mort à chaque instant, voilà le dilemme d’un exilé.

2015. Première grande crise migratoire du XXIe siècle, où des centaines de milliers de familles syriennes fuyaient leur pays dévasté par la guerre civile, via la Turquie afin de trouver refuge en Europe. Six ans après, des Syriens sont cette fois-ci bloqués aux frontières de la Biélorussie et de la Pologne, pris au piège comme des pions d’un échiquier sur fond de rivalités politiques. Refoulés des deux côtés, des hommes et des femmes ainsi que des enfants se retrouvent bloqués le long de la frontière forestière des deux pays. Rares sont les images et les informations réelles car les journalistes et les ONG n’ont pas accès à cette zone frontalière. C’est à croire que le « jeu » perdurera jusqu’à ce qu’un camp fasse « échec et mat ». Un duel entre intérêt économique et intérêt politique ! Mais où est l’intérêt humain, la dignité ?

Une crise humanitaire avant tout

Le problème est devenu un tas de poussière qu’on voudrait cacher sous le tapis ; alors que des pays durcissent le ton en projetant de construire un mur, d’autres encore veulent ignorer l’urgence du problème. Cette crise migratoire est une crise humanitaire, elle va de la responsabilité de tous les pays du monde et pas seulement de l’Europe. Nous sommes en 2021 et la question des réfugiés n’est plus le sujet numéro un dans l’opinion publique de l’Europe, plus préoccupée par la reprise économique et sociale après la crise du covid (crise dont nous ne sommes pas encore sortis). Il faut parfois des drames humains pour remettre autour de la table les politiques sur la crise migratoire.

A la question du traitement de l’information des médias européens sur le conflit syrien, certains médias ne distinguent pas l’affrontement qui dure depuis plus de 10 ans et le voient comme une affaire de terrorisme ; et parfois (quand la Syrie devient un sujet d’élection) on montre un pays devenu plus calme et plus ouvert aux changements, et les Européens ne comprennent pas pourquoi les réfugiés ne retournent pas dans leur pays.

Pour ne pas oublier

Pour ceux et celles qui se demandent pourquoi ils viennent en Europe, voici la réponse en 1h35 de film. « Pour SAMA, journal d’une mère syrienne »[1] est un reportage pour que la guerre en Syrie ne devienne pas un conflit oublié. Ce documentaire est dédié à SAMA, la petite fille de la journaliste Waad Al Kateab, un message d’amour et un cri de détresse lancé au reste du monde. Un témoignage intime sans être voyeuriste, pour sauvegarder la mémoire d’un conflit vécu de l’intérieur, au quotidien. Un témoignage au monde entier des horreurs d’une guerre civile dont l’Occident et sa population ne semblent pas prendre conscience, comme dans tant d’autres hostilités.

Les images tremblent. Au détour d’un couloir, une déflagration, la panique et la poussière qui rend l’air irrespirable. Dans le sous-sol de l’hôpital où travaille Hamza, le mari de Waad, des blessés s’entassent… « SAMA, tu es ce qui nous est arrivé de plus beau. Mais quelle vie ai-je à t’offrir, toi qui n’as rien demandé à personne ? » s’interroge Waad en contemplant sa petite fille de quelques mois. Du rire aux larmes, des petits bonheurs aux grandes terreurs, Waad Al Kateab a filmé pendant 5 ans, l’espoir né à Alep avant que le chaos ne s’empare de la ville assiégée. Pour son enfant, qui sourit entre ses bras et sursaute au fracas des tirs, la jeune femme saisit un monde solidaire aux abois, où chacun se débat pour sa survie mais aussi pour celles des autres. Waad témoigne de l’horreur ordinaire : « Jamais nous n’aurions imaginé que le monde puisse permettre cela ! ».[2]

Ce reportage est un condensé de notre humanité, dans tout ce qu’elle a de pire et de meilleur. Et peu importe le nom que les partis politiques leur donnent : refugiés ou migrants, il serait intéressant de se questionner à propos de notre accueil. C’est pourquoi, ce documentaire s’adresse d’une part, à nous, pour changer le regard que nous portons sur les réfugiés et d’autre part, aux décideurs et aux personnes qui ont du pouvoir, à ceux qui peuvent faire la différence…

Najoua


[1]  Pour SAMA, journal d’une mère syrienne. Sortie en juillet 2019 aux États-Unis, puis en Europe en octobre 2019, il reçut divers récompenses et prix dont l’Œil d’Or du meilleur documentaire au festival de Cannes en 2019. Documentaire de Waad Al Kateab et Edward Watts.

[2] Tiré du site www.arte.tv, documentaire diffusé le mardi 9 novembre 2021 à 20h25.

La « MALBOUFFE » : première cause de mortalité dans le monde!

Obésité, diabète, maladie cardio-vasculaire, dépression, cancers, … Voici les conséquences d’une mauvaise alimentation sur notre santé. En effet, l’OMS a élaboré un rapport scientifique dans lequel est stipulé que les maladies liées à la malbouffe et malnutrition sont les premières causes de mortalité dans le monde. Celles-ci tuent plus que le tabac! A compter l’ensemble des victimes de ce fléau, nous arrivons à des chiffres mirobolants : un décès sur 5 dans le monde ( 11 millions/an ).

Se faire plaisir sans excès 

Nous consommons quotidiennement des aliments trop sucrés, trop salés, riches en mauvaises graisses, composés d’additifs, non nutritifs car présence de pesticides ou cuisson non adaptée. Cela est nuisible et peut être dévastateur pour l’organisme!

Mais entendons-nous bien, la malbouffe n’est pas à bannir radicalement. Consommer un burger ou un soda de temps à autre n’est pas néfaste pour l’homme. On peut se faire plaisir à condition de manger équilibré le reste du temps.

Il faut aussi retenir que ne pas consommer de produits sains et nutritifs est pire que de consommer excessivement de la malbouffe. Car une carence en vitamines, minéraux, antioxydants, etc., peut être gravissime et provoquer une fatigue intense, des maladies rénales et hépatiques, des maladies chroniques, un système immunitaire moins résistant aux infections, …

La pandémie de coronavirus est actuellement une cause majeure de mortalité à l’échelle mondiale. La malnutrition est la principale cause d’immunodéficience dans le monde, ce qui augmente la vulnérabilité aux infections.

En l’occurrence, le lien entre l’immunité et l’alimentation est une évidence car de nombreux nutriments jouent un rôle essentiel dans la défense de notre organisme.

« LES ALIMENTS SONT VOS MEILLEURS MEDICAMENTS » Dr Henry Joyeux

Qu’est-ce que l’immunité et à quoi sert-elle?

L’homme est exposé quotidiennement à des agressions : virus, bactéries, champignons, parasites, métaux lourds, …

Pour les combattre, il doit être équipé d’un bon système immunitaire composé de soldats pour le défendre. En cas d’agression, le tissu devient inflammatoire (rougeurs, température, …). Mais si notre organisme souffre d’une carence en nutriments essentiels, la réponse immunitaire sera faible, voire inefficace.

« QUE TON ALIMENT SOIT TA SEULE MEDECINE  » HIPPOCRATE

Pourquoi cette attirance pour la malbouffe ?

Nous avons une attirance naturelle pour la malbouffe et ce, pour diverses raisons.

D’abord, le marketing qui influence considérablement nos choix. En effet, les spots publicitaires sont sur tous les fronts: trams, métros, télévision, Youtube, réseaux sociaux, … 

L’excès de publicité a un énorme impact sur les plus jeunes qui sont beaucoup plus vulnérables que les adultes. Les grandes chaines alimentaires mettent le paquet pour tromper et manipuler le consommateur. Vous remarquerez que tout est mis en place minutieusement pour inciter et manipuler le consommateur à acheter davantage : packaging, couleurs utilisées, logos, formes, célébrités ou influenceurs, etc. Le but étant de créer de futurs sur-consommateurs.

Et puis, il y a la facilité. Quand on a une journée chargée, on n’a pas forcément l’envie ni l’énergie de cuisiner de bons plats maison mais plutôt de se tourner vers des repas industriels prêts en 15 minutes tels que des pizzas congelées ou des nuggets dans lesquels on peut retrouver parfois plus de 10 additifs ; ce qui est un véritable poison pour l’homme. Certains de ces aliments sont riches en graisses, sucres, sels, et exhausteurs de goût ce qui provoque une forme d’addiction. 

Des études neurobiologiques ont démontré que le sucre combiné aux graisses pourraient rendre accro comme le ferait la cocaïne. 

Il y a aussi leurs aspects en bouche : croquants, moelleux, qui peut se révéler particulièrement important et créer une sensation qui va stimuler notre cerveau et lui donner envie d’en reprendre encore et encore…

Il faut savoir que les sociétés agro-alimentaires ne produisent pas de simples aliments mais plutôt une addiction qui va générer beaucoup d’argent. Le prix affiché ou en promo paraît raisonnable mais en réalité, il est très cher pour l’apport nutritif offert. C’est un ensemble de produits chimiques qui ne coûtent quasi rien au producteur.

L’inactivité accroîtrait notamment les risques d’obésité. Nous pouvons constater que durant le confinement, certaines personnes se sont réfugiées dans la nourriture pour apaiser leurs peurs, leurs angoisses ou pour faire passer le temps tout simplement.

Mais alors, que mettre dans son assiette pour une meilleure santé ?

Nous pouvons constater que certains enfants refusent catégoriquement de manger leur plat ou de boire leur soupe car leur palais est habitué aux goûts trop sucrés, trop salés, exhausteurs de goûts, … C’est pour cette raison qu’il est primordial de les sensibiliser aux goûts des fruits et légumes dès leur plus jeune âge et de remplacer les collations industrielles par des fruits secs par exemple qui constituent un concentré d’énergie riche en vitamines et minéraux. Ou des cakes maison qui sont plus sains car les additifs sont absents et le sucre est dosé faiblement.

Il est important aussi de promouvoir l’allaitement maternel qui est très favorable à la santé du bébé car il assure sa croissance et apporte davantage de protection contre les infections.

Notre assiette doit être variée et contenir de préférence des aliments issus de l’agriculture biologique car les nutriments sont conservés. On peut y retrouver des fruits et légumes de saison, des légumineuses ou des céréales riches en fibres qui favorisent un bon transit. Consommer occasionnellement les viandes rouges et opter plutôt pour des viandes blanches ou du poisson. Diminuer drastiquement le pain qui n’a pas grand intérêt au niveau nutritif. 

Et pour une hydratation optimale, boire 1,5 à 2l d’eau par jour. Cela favorise l’élimination des déchets par notre organisme.

Il est important de prendre son repas assis, dans le calme, de manger avec modération et de mâcher suffisamment longtemps pour une meilleure digestion. 

Le jeune thérapeutique est favorable pour une certaine catégorie de personnes mais doit être encadré par des professionnels de la santé tels que des médecins, nutritionnistes, … 

Il est aussi vivement conseillé d’effectuer une activité physique plusieurs fois par semaine : sport, marche, etc., qui est favorable au bon fonctionnement du cœur et des intestins.

L’activité physique est impliquée dans la production de dopamine qui va stimuler le système nerveux en apportant du tonus, et une sensation de légèreté et de bien-être.

Le Coran et la sunna font l’éloge de plusieurs aliments grâce aux remèdes et vertus qu’ils contiennent :

  • l’huile d’olive 
  • le miel 
  • le gingembre  
  • les lentilles 
  • le raisin 
  • la grenade 
  • la banane 
  • la figue 
  • les dattes 
  • le concombre 
  • la courge 
  • l’ail 
  • l’oignon, …

Allah le Très Haut dit :

« Que l’homme considère donc sa nourriture ; c’est Nous qui versons l’eau abondante, puis Nous fendons la terre par fissures et y faisons pousser grains, vignobles, légumes, oliviers et palmiers, jardins touffus, fruits et herbages pour votre propre jouissance et pour vos bestiaux. » s.80, v.24 à 32

« Dieu, c’est Lui qui a créé les cieux et la terre et qui, du ciel a fait descendre l’eau grâce à laquelle Il a produit des fruits pour vous nourrir. » s.14, v.32

«  Un esprit sain dans un corps sain »

Plus on habitue son cerveau et son palais à une alimentation saine, moins on a envie de malbouffe. C’est un mode de vie que nous devons adopter au quotidien afin de diminuer cette addiction aux différentes substances néfastes. Il est rare de retomber dans un schéma de malbouffe après avoir pris conscience des méfaits de cette alimentation, de s’être habitué à un parcours sain. Au contraire, nous pouvons même ressentir un dégoût.

Néanmoins, un léger écart de temps en temps est permis pour ne pas engendrer de frustration. 

Pour conclure, l’homme doit adopter un mode de vie sain. L’équilibre entre une activité physique et la nutrition favorise le bien-être physique et mental de la personne. Et dans cette dynamique, l’homme se sent aussi plus concerné par le respect de l’environnement, une consommation plus modérée, moins de gaspillage, …

L’Islam ne nous enseigne-t-il pas le bon comportement en toute circonstance ?

De ce fait, l’homme doit adopter une approche éthique dans sa consommation.

Allah le Très Haut dit :

«  Et mangez et buvez; et ne commettez pas d’excès, car Il n’aime pas ceux qui commettent des excès. » s.7, v.31

Le Prophète paix sur lui a dit : 

«  Celui qui mange peu (juste ce qu’il faut), son corps jouira de la bonne santé, son cœur sera pur, … »

« Le surplus d’aliments est la cause de toute maladie. »

«  Et ton corps a un droit sur toi! »

En effet, ce corps est un bienfait et un dépôt sacré du Créateur. 

L’homme se doit donc d’en prendre soin et d’éviter les excès qui sont nuisibles pour lui! 

I.S.

BIBLIOGRAPHIE :

  • Le Saint Coran traduction en langue française, Éditions Dar Al Bouraq.
  • Stéphane TETART, Vanessa LOPEZ, Ma Bible des secrets de naturopathes, 2019, Leducs Éditions, 313 pages.
  • Professeur Henri JOYEUX, Changez d’alimentation, 2013, Éditions du Rocher, 663 Pages.
  • Véronique LIESSE, Alix LEFIEF-DELCOURT, L’alimentation « spécial immunité », 2020, Leducs Éditions, 296 pages.

Développement personnel: la grande imposture?

Renouer avec son moi intérieur… Apprendre à dire non… Écouter son corps pour atteindre le bien-être et le bonheur, tels sont quelques-uns des objectifs bienveillants proposés par le développement personnel. Cette nouvelle pratique fait fureur notamment au sein de la communauté musulmane belge. Mais que se cache-t-il derrière cette quête obsessionnelle du bonheur ? Certaines dérives liées au développement personnel interpellent. Plongée au cœur de cet univers nébuleux. 

Le développement personnel, c’est quoi ? 

« Le développement personnel est un ensemble hétéroclite de pratiques appartenant à divers courants de pensée qui ont pour objectif l’amélioration de la connaissance de soi, la valorisation des talents et potentiels, l’amélioration de la qualité de vie personnelle, la réalisation de ses aspirations et de ses rêves. » Voilà la définition qu’en donne Wikipédia. La réalisation de ses rêves, l’amélioration de sa qualité de vie, tout cela semble très alléchant ! Ces dernières années, la crise du coronavirus a accentué l’état de mal-être général de la société. Les psychologues et psychiatres ont vu ainsi leur charge de travail augmenter considérablement durant la crise. Certains, ont fait le choix de se tourner vers une nouvelle « thérapie », celle du développement personnel. 

Connaître ses propres besoins

Je suis allée à la rencontre de six femmes : Sirine, Khadija, Amal, Souad, Salima, Farida[1]. Elles ont toutes été séduites par cette nouvelle approche. Certaines ont réussi à utiliser les enseignements pour s’épanouir dans leur quotidien tandis que d’autres en gardent un goût amer. A leur demande, leur témoignage est anonyme. Sirine est convertie à l’islam. Le développement personnel a été un outil efficace pour elle. « L’objectif principal est d’apprendre à se connaître, à formuler ses propres besoins. Dans la communication non violente notamment, nous apprenons à formuler les choses car ce que l’on dit, la personne en face ne le reçoit pas de la manière dont nous le disons mais avec ses propres filtres. Cette communication non violente je l’applique principalement au sein de mon foyer avec mes enfants, mon mari. Il y a un manque de connaissance de notre religion et personnellement, je fais toujours un lien avec ma spiritualité. Chaque outil utilisé m’a permis de revenir en arrière et prendre conscience que cela existe aussi en Islam. Par ailleurs, il m’est arrivé de tester d’autres outils mais dès que cela me semble bizarre ou que les sensations que je ressens dans mon corps ne me plaisent pas, je ne m’aventure pas plus loin. »

Farida est coach. Curieuse de nature, elle a testé de nombreux outils de développement personnel. « Il faut le prendre en tant que musulmane pratiquante et donc mettre Allah au-dessus de tout et utiliser certains outils avec des pincettes parce qu’il est clair qu’il y a des dérives. Certains formateurs n’hésitent pas à faire appel au monde invisible au cours de leurs séances. Certains sont des chamans, donc c’est clair. Personnellement, j’ai toujours été fascinée par ce monde-là mais avant chaque séminaire ou séance je fais mes ablutions, je fais ma prière de consultation et je lis ayat al kursi pendant la séance, une manière de me protéger. Mais dans ma pratique de coach, il y a certains outils que j’ai mis de côté parce que j’ai des doutes concernant leur licéité. Ce sont des outils super puissants qui nous permettent d’aider des gens, je voyais des résultats très rapidement mais avec le recul j’ai préféré ne plus y toucher par crainte de franchir une ligne rouge. » 

Découverte d’un milieu obscur

Mais sur le chemin de cette quête parfois obsessionnelle du bonheur, les charlatans et autres guérisseurs jalonnent les sentiers.

Khadija est responsable d’une asbl à Bruxelles. Elle s’est intéressée à la question du développement personnel par hasard. Et au fur et à mesure de ses recherches, elle entre dans une sphère nébuleuse. « Je suis abasourdie par ce que j’entends et j’apprends de la bouche de ces femmes qui ont tenté l’aventure du développement personnel. Des sœurs, des amies que j’ai côtoyées et qui ont un bagage islamique, qui ont étudié dans des instituts reconnus à Bruxelles, sont tombées dans le piège et les dérives de cette pratique. »

Parmi les dérives, la connexion avec les esprits… « Une de ces femmes m’explique qu’elle s’est inscrite à un séminaire de communication non violenteCelle qui est responsable de ce centre est connue et reconnue par toutes les femmes de la communauté qui passent par le développement personnel. » Sur sa page Facebook, elle se présente comme guérisseuse, maître et dans la droite lignée de sorcières bannies il y a plusieurs siècles. « Je suis arrivée chez elle par un concours de circonstances en m’inscrivant à l’atelier de communication non violente » explique Salima. « Si de prime abord, elle utilise les outils classiques de la communication non violente comme la théorie de Rosenbergles 5 blessures de l’âme, … tout doucement elle oriente son discours sur l’enfant intérieur et ses blessures et pousse les participantes à révéler des éléments intimes de leur vie privée. Les femmes se confient alors, elle instaure un cadre de confidentialité, de confiance qui pousse à la révélation. »

Une addiction

«  Là où cela commence à dériver, c’est lorsqu’elle se lance dans des séances de guérison, où elle nous dit clairement qu’elle est chamane musulmane… elle dit qu’Allah lui a donné un don, qu’elle est souvent connectée avec Jibril… et que sa mission est d’éveiller les consciences. Je suis tombée dans le panneau à cause de grosses blessures personnelles. Les thérapies classiques sont onéreuses, longues, alors qu’elle, nous certifie que le processus de guérison se déroule en 10 séances. Il y a une véritable dépendance qui se crée, nous lui donnons une sorte de pouvoir sur nous, elle nous tient par nos révélations. Elle organise d’autres ateliers où elle fait appel à une chamane de France. Lors de ces séminaires-là, il n’est plus question que de chamanisme, de tambours et de transe. Des sœurs ont consommé des champignons hallucinogènes lors de ces séances, ce que j’ai toujours refusé. Avec d’autres sœurs, nous avons commencé à lui parler de notre mécontentement par rapport à certaines de ses pratiques, sa réaction a été de nous retirer du groupe. J’ai essayé d’en parler autour de moi, de porter plainte mais personne n’a voulu me suivre. Ce n’est plus de la communication non violente, elle crée de la dépendance chez des personnes fragiles, elle perturbe notre communauté, nos croyances mais personne ne fait rien, j’ai été vraiment dégoutée par le manque de soutien pour dénoncer ces dérives. » 

Des réactions violentes

Amal a aussi croisé son chemin il y a plusieurs années. Mais plusieurs éléments la perturbent très vite. « Je n’ai pas été réceptive, pour moi c’était de grands principes, de beaux discours mais dans la pratique il n’y avait pas grand-chose. Des amies m’ont accompagnée, certaines se sont éloignées tandis que d’autres sont encore dedans. Elles ont radicalement changé. Elles avaient des pratiques religieuses qui ont disparu. Ce qui m’intrigue, c’est qu’on a le sentiment qu’avec cette femme elles ont acquis des valeurs, des principes comme si avant cela elles n’en avaient jamais eus… pourtant ce n’est pas le cas. Lorsque je fais part de mes critiques et questionne les sources, j’ai été victime d’agressions verbales violentes. J’étais devenue celle qui n’était plus fréquentable… pour des personnes qui forment en communication non violente c’est un peu contradictoire… » Khadija, la responsable d’une asbl à Bruxelles, pousse, elle, ses recherches plus loin et à force de poser trop de questions, elle dérange aussi les adeptes de cette pratique. « J’ai reçu des menaces, des messages intimidants me demandant de rester à ma place et de m’occuper de mes cours de Aqidah et Fiqh. J’avais véritablement l’impression de rentrer dans la mafia, c’était assez incroyable. » 

Des bienfaits ? 

Il serait faux de réduire cette pratique à ces dérives qui existent et interpellent. Néanmoins, il convient de se demander s’il existe de réels bienfaits qui découlent de cette nouvelle « thérapie ». Ce n’est en tout cas pas l’avis du prédicateur et enseignant Sofiane Meziani qui s’est exprimé (un des rares prédicateurs qui s’est exprimé sur le sujet) dans une vidéo à visionner sur Youtube. « On ne peut accepter une chose qui produit des effets négatifs sous prétexte qu’elle contient de bons ingrédients.  Le coaching personnel mélange tout : la psychologie, la spiritualité, l’âme, l’esprit. Avoir une bonne santé mentale, ne nous empêche pas de vivre une vie pauvre spirituellement. Cette méthode vise à cultiver le goût de l’égo et non celui de la foi. » Autre point négatif selon le professeur, c’est que le développement personnel « développe davantage la confiance en soi que la confiance en Allah ». Enfin, toujours selon Sofiane Meziani, les seuls ingrédients positifs de cette méthode sont ceux empruntés aux religions et spiritualités. « Un concept est celui de la pleine conscience, Al khushù (en arabe), le recueillement dans la présence de Dieu. Ici, il est question de ressentir la présence divine tandis que dans le développement personnel, il faut ressentir le moi intérieur… ».

Souad a elle aussi été attirée par cette nouvelle pratique qui lui a permis comme Sirine de faire un parallèle avec sa foi, néanmoins elle ne conseillerait plus de se tourner vers cette méthode. « Je n’ai pas reçu d’éducation religieuse petite mais j’ai toujours été intéressée, je voyais des jeunes filles voilées se rendre à la mosquée pour apprendre et moi je les enviais. Mon père avait beaucoup de préjugés sur ces personnes-là. Donc j’ai dû attendre d’être adulte pour rechercher, apprendre mais je ne parle pas l’arabe, je ne le comprends pas, et le développement personnel m’a permis de mieux me connaître et par ricochet de mieux connaître mon créateur. J’ai eu des outils mais au final, tous ces outils on les retrouve dans notre religion : le Miracle Morning, le fait de se lever tôt, on l’a dans l’islam, le fait d’être dans la gratitude, le remerciement, c’est le dhikr. La cohérence cardiaque, c’est ce qui permet d’apprendre à contrôler sa respiration afin de réguler son stress et son anxiété, on l’a en lisant le coran… Tout est à notre portée mais j’ai dû d’abord apprendre ces outils extérieurs pour me rendre compte que tout était devant moi. »

Un culte de l’autonomie contraire aux valeurs islamiques

Alors que le public attiré par cette nouvelle méthode est essentiellement féminin, il est urgent de s’interroger et de remettre en question certaines dérives liées à cette pratique. Il convient aussi de rappeler que ces dérives ne doivent pas occulter les bienfaits inhérents au développement personnel. Chacun, avec sa propre grille de lecture, doit pouvoir opérer les bons choix en accord avec ses valeurs et sa spiritualité. En ce qui concerne l’Islam, ses enseignements sont clairs et ne permettent pas la perversion. Allah (swt) dit dans le coran : «  Nous n’avons point fait descendre sur toi le Coran pour que tu sois malheureux » Taha, verset 2. Dans la société du 21ème siècle, nous sommes pris dans une course effrénée. Un rythme soutenu dès le lever, ce stress constant génère un mal-être. Porter un regard réaliste sur notre âme et nos manquements, et se remettre en question constamment, c’est peut-être là le début d’une réforme intérieure pour vivre pleinement une vie qui au final, n’est qu’éphémère… 

H.B. 


[1] Noms d’emprunts