Rachid M’barki, c’est le nom du journaliste de BFM TV licencié ce 23 février suite à des soupçons d’ingérence et d’influences étrangères. Concrètement, l’enquête « story killers » d’un consortium international de journalistes, à laquelle ont participé notamment Le Monde et Radio France, révèle la diffusion à l’antenne d’informations fournies par une agence israélienne. Des informations qui n’ont pas été validées par la hiérarchie du journaliste.
Les journalistes d’investigation ont pu rencontrer un responsable de l’agence israélienne, connue sous le nom de Jorge Team. Prétextant vouloir faire appel à leurs services, l’agent leur a fourni de précieuses informations sur leur méthode de travail: créations de faux comptes en ligne, de contenus sur les réseaux sociaux, piratage de mails ou de comptes dans l’objectif d’influer sur certaines campagnes électorales…
Dans le cas de M’barki, les informations diffusées concernaient le Qatar, le Soudan ou encore le Sahara occidental. Une enquête qui fait grand bruit dans le milieu du journalisme mais qui nous amène à nous questionner sur la véritable influence des médias sur l’opinion publique.
Le quatrième pouvoir ?
On donne à la presse et les médias de manière plus générale, le titre de quatrième pouvoir. Un pouvoir qui vient disputer la toute-puissance des trois autres: législatif, exécutif et judiciaire. Et comme tout pouvoir, certains tentent d’influer sur le contenu diffusé afin d’orienter l’opinion publique et de la faire adhérer à certaines valeurs. Mais n’y a-t-il pas une surestimation de ce « pouvoir » des médias ? Ont-ils une véritable capacité à persuader les gens, à les faire changer d’avis, ou plus encore à les faire agir différemment de leur propre volonté ? L’opinion publique est beaucoup moins désarmée qu’on ne veuille le croire. Face à l’offre importante d’informations, notre perception est sélective : nous n’entendons le plus souvent que ce que nous voulons bien entendre.
Honoré de Balzac affirmait pour sa part en 1840 que : « Si la presse n’existait pas, il ne faudrait pas l’inventer… ». Il explique sa vision : « La presse est en France un quatrième pouvoir dans l’État : elle attaque tout et personne ne l’attaque. Elle blâme à tort et à travers. Elle prétend que les hommes politiques et littéraires lui appartiennent et ne veut pas qu’il y ait réciprocité.»
Une confiance en baisse
Par ailleurs, la dernière enquête menée par le Reuters Institute (à ne pas confondre avec l’agence de presse du même nom) au sein de 46 pays et 6 continents révèle que les citoyens semblent toujours moins faire confiance à ce qui est rapporté par les médias. « L’intérêt pour l’information et la consommation globale d’informations a considérablement diminué dans de nombreux pays, tandis que la confiance a chuté presque partout. » Autre élément mis en avant : les jeunes ne les consultent pas tandis que certains s’en désintéressent complètement ou en partie. Néanmoins, sur plusieurs registres, les médias influent sur l’opinion, à son insu ou contre son gré. Ils choisissent l’ordre du jour en hiérarchisant les évènements d’actualité, mettant en avant certains sujets et jetant aux oubliettes les autres guidés par une certaine subjectivité. En insistant sur certains faits et sur certains enjeux au détriment d’autres, ils choisissent aussi les terrains sur lesquels se livrera la bataille des idées et des hommes tout en déterminant les conditions de réussite ou d’échec.
Cependant, l’influence des médias se heurte à ce que l’on peut appeler la « résistance » des masses, des individus. Une résistance qu’il ne convient pas de sous-estimer. On ne peut dès lors parler de « pouvoir » au même titre que les pouvoirs de Montesquieu (législatif, exécutif et judiciaire) qui disposent de la contrainte pour faire exécuter leurs décisions tandis que le pouvoir d’influence des médias, aussi grand soit-il, en est dépourvu.
À l’heure où l’internet a supprimé toutes les frontières, les amateurs sont chaque jour nombreux à s’improviser journalistes. Des journalistes qui finalement n’en ont ni le titre ni la qualification et qui ne jouissent d’aucune confiance du public. Là réside le danger d’une véritable désinformation au sens littéral.
H.B.