Quand la beauté s’éveille à travers la parole

La parole est propre à chaque individu, et bien qu’elle passe souvent inaperçue, elle est essentielle à la communication entre les êtres humains. Elle possède de nombreux pouvoirs : elle peut séduire, manipuler, enchanter, renforcer, encourager, guérir mais aussi blesser ou humilier…

Et l’Histoire recèle des pépites de grands orateurs qui ont marqué les esprits et les cœurs. L’exemple de Winston Churchill, premier ministre, s’exprimant pour la première fois devant la Chambre britannique : « Je n’ai rien d’autre à vous offrir que du sang et de la peine, des larmes et de la sueur », ou Martin Luther King qui galvanise son combat pour les droits civiques : « Je fais un rêve. Je fais un rêve où mes quatre enfants pourront un jour vivre dans un pays où ils ne seront pas jugés sur leur couleur de peau, mais sur leur personnalité ».

Qu’est ce qui fait que des discours d’orateurs nous marquent, au point que parfois ils changent notre vision de saisir le monde ? Quel est donc, ce point commun entre tous ces personnages inspirants ?

Le talent de bien parler, de persuader, de convaincre, l’art de s’exprimer : c’est ce qu’on appelle l’éloquence !

Le « pouvoir » du langage

Selon Aristote, grand philosophe grec de l’Antiquité, l’homme est un animal doué de langage. Au sens large, le langage humain peut être défini comme un ensemble de systèmes qui associent des mots selon des règles grammaticales précises, en tenant compte de la faculté de raisonner, de nommer les choses et de communiquer avec les autres. Cependant, des linguistes comme Ferdinand de Saussure [1] donnent plus de précisions dans la définition en faisant une distinction entre les mots langage, langue et parole. D’une part, le langage est une capacité universelle dont disposent à l’état latent tous les êtres humains. D’autre part, la langue est un outil, un système de communication conventionnel partagé par un groupe de personnes (même culture ou aire géographique), acquise par chaque être humain après un apprentissage qui commence dès la naissance. Et enfin, la parole est la mise en œuvre par un individu de la langue qu’il a acquise ; elle prend en compte l’accent, l’intonation, le rythme, ainsi que son lexique, son style et les expressions qu’il utilise.

L’art de l’éloquence

Le langage est un bon indicateur du niveau de développement d’une civilisation : plus il est riche, plus la société est développée ; mais plus il est pauvre, plus il signe le déclin d’une société. Si on analyse brièvement l’exemple de la langue française, on remarque qu’elle est une passerelle entre plusieurs civilisations. En effet, elle fut enrichie par les traductions et l’intermédiation de la langue arabe qui lui a permis d’assimiler l’héritage grec, oriental et asiatique. La langue française a pu enfin redonner place à sa dimension humaniste pour s’enrichir au contact de peuples qu’elle a rencontré. À travers d’autres langues, les valeurs se contaminent mutuellement. C’est cela l’essence de la langue : elle véhicule des valeurs et fait des ponts entre les cultures :

«  (…)La diversité et la langue de partage passent par des repères communs, des croisements reconnus et des intérêts communs. La diversité dans le partage est un dialogue (…) »[2]

De plus, pour Quintilien [3] l’éloquence est l’art de bien parler, de bien construire ses discours, mais aussi de maîtriser la voix et ses modulations, son expressivité, ainsi que celle de son visage et de son corps. Adrien Rivierre, spécialiste de la prise de la parole en public écrit :

« (…)Les gestes confèrent à la parole une résonance plus forte et durable dans l’esprit de l’audience. Ils permettent de lui donner vie, de maintenir l’attention de l’audience et de faciliter la compréhension des messages transmis. » [4]

Finalement, l’éloquence est la capacité à traiter une information et à la transmettre à un public de manière claire et facile à digérer. Plus l’auditoire sera en mesure de comprendre, plus on paraît éloquent et plus les arguments semblent solides.

Le poids des mots, la force des idées

C’est sous cette maxime que la plateforme PUBLIQ, lance en 2021 son premier concours national d’éloquence. En Belgique, il n’existait aucun concours d’art oratoire dédié aux jeunes et à portée nationale, contrairement à la France.

« (…)Cette absence pouvait être expliquée par le fait que notre pays est divisé en plusieurs communautés linguistiques, ce qui rendait une compétition d’art oratoire ouverte à tous, compliquée. Au lieu de voir ce constat comme un problème, nous le considérons comme une opportunité. Une opportunité de motiver chaque jeune Belge autour d’un objectif commun. Une opportunité de faire concourir côte à côte francophones et néerlandophones. Une opportunité de faire briller ensemble deux de nos langues nationales, et de rapprocher les jeunes de tout le pays dans des temps où l’unité est plus que primordiale. » [5]

Ainsi, cette pratique combine 2 compétences : l’éloquence (facilité à bien s’exprimer) et la rhétorique (ensemble des techniques qui mènent à la persuasion). Si l’éloquence se définit comme l’art de bien parler, et la rhétorique comme un ensemble de procédés permettant cette maîtrise de la parole ; il y a toutefois une grande différence entre eux. En effet, l’éloquence est surtout un talent ou un don naturel, la rhétorique est un fruit de l’étude ou un art ; l’une trace la méthode, l’autre la suit ; l’une enseigne les moyens, l’autre les emploie. Elles diffèrent l’une de l’autre comme la théorie diffère de la pratique [6].

La parole et ce qu’elle renferme de beau confèrent à la langue une dimension artistique. Elle est un outil de transmission et de partage de valeurs. C’est pourquoi Publiq s’est associé au Parlement Bruxellois pour y accueillir le projet ; un lieu symbolique de débats et de démocratie. Tous les sujets de discussions proposés traitent du vivre-ensemble et de la citoyenneté : rapprocher les jeunes et la politique. Aucun style oratoire n’est privilégié et ceci afin d’encourager toute forme d’expression que cela soit en français ou en néerlandais. Le concours est gratuit, complètement organisé par des jeunes et s’adresse à tous les jeunes belges.

Publiq écrit sur son site :

« Rassembler les jeunes derrière la prise de parole, c’est le challenge qu’on a entrepris de relever ! »

Najoua

[1] Fondateur des sciences du langage au début du 20 ième siècle. Site maxicours.com ; « les pouvoirs de la parole ».

[2] La diversité culturelle est un dialogue, de l’auteur Driss Khrouz, dans la revue internationale et stratégique, 2008/3 numéro 7, p.69-70, Iris Editions.

[3] Orateur et pédagogue latin du 1ier siècle apr.-C. auteur d’un grand manuel de rhétorique « l’institution oratoire ».

[4] Tiré de son livre « Prendre la parole pour marquer les esprits » aux éditions Marabout, 2018.

[5] Tiré de l’ebook de la plateforme publiqcontest.com

[6] Pour en savoir plus : Site bvil.sorbonne-universite.fr ; cours élémentaire de rhétorique et d’éloquence (5ième Edition 2017)

Musulmans.be

Ce soir, comme chaque soir depuis le début du ramadan, je parcours la nouvelle plateforme musulmans.be dont l’objectif est de diffuser l’actualité concernant la communauté musulmane de Belgique. 

Dans l’un des articles, « Le ramadan des musulmans belges », le journaliste va à la rencontre de citoyens musulmans et met en évidence le sens que chacun d’entre eux attribue au mois béni. 

Ni une ni deux, me voilà pensive et méditative à mon tour… « Et pour moi, qu’est-ce qu’il signifie ce mois béni de la Révélation ? »

Mois d’abstinence… s’abstenir des futilités mondaines.

Mois de méditation… méditer le Coran afin de renforcer ma relation avec Dieu.

Mois de l’introspection où le corps abandonne les excès pour élever son esprit vers son Créateur.

Le contraste avec la réalité est parfois saisissant : excès de nourriture, gaspillage de repas et d’aliments, surconsommation de séries télévisées ‘spécial ramadan’, soirées ramadanesques en famille ou entre amis dont le but n’est pas toujours la méditation…

Je continue à parcourir ce site de qualité qui me fait penser à celui d’Oumma – un regard musulman sur l’actualité – : professionnel, efficace, diversifié.

Je tombe sur l’article « Après Londres, Bruxelles pourrait s’illuminer pour le ramadan. » À l’approche du mois de ramadan, les rues de Londres se sont parées de guirlandes lumineuses arborant étoiles et croissants de lune. Pascal Smet, secrétaire d’État bruxellois à l’Urbanisme, a émis l’idée… lumineuse (!?) de faire la même chose à Bruxelles.

Je souris… Euh… par où commencer ? 

Je me ferai d’abord le porte-parole des détracteurs les plus sages… :

  • « En ces temps de crise financière et vu le coût exorbitant de l’énergie, ne peut-on pas revenir à la raison ? »
  • « On voit que les élections approchent… »

… puis celui des détracteurs les plus zemmouriens :

  • « Comment ça, des guirlandes étoilées pendant le ramadan ?! Et pour la fête du mouton, ce sera des guirlandes moutonnées ? »
  • « On n’est pas en Musulmanie ici ! »

Après cet intermède, revenons à ce qui m’interpelle… Certains musulmans se réjouiront de cette suggestion, y voyant une certaine reconnaissance de leur pratique religieuse allant jusqu’à une considération de leur individualité.

D’autres objecteront qu’ils n’ont rien demandé et qu’ils n’ont pas besoin de cette pseudo-considération folklorique par charité laïque.

En effet, la considération d’un individu ne passe pas par des guirlandes, aussi lumineuses soient-elles, mais par le respect de ses droits garantis par la Constitution de son pays.

Elles sont encore nombreuses les jeunes filles qui se voient refuser l’accès dans certaines Hautes Écoles parce qu’elles portent le voile. Elles sont encore nombreuses les jeunes femmes diplômées (ou non) qui se voient refuser l’accès au monde du travail parce qu’elles portent le voile. Et pourtant, l’article 19 de la Constitution leur garantit la liberté des cultes et celle de leur exercice public

Sans parler de l’interdiction de l’abattage rituel pour les juifs et les musulmans en Flandre et en Wallonie qui est garanti par le même article de loi.

Tant que ces questions ne seront pas résolues, remballons nos guirlandes lumineuses ou mieux encore… envoyons-les aux Anglais qui, eux, ont une tout autre approche de la considération des individus…

Il est temps d’éteindre ma guirlande lumineuse, celle qui décore ma table de nuit durant le ramadan, et de plonger dans les bras de Morphée…

L.M.

Musulmans.be, un site dont les thématiques vous pousseront à la réflexion, à la méditation et surtout vous feront penser autrement !

La plus noble conquête de l’homme

« La plus noble conquête de l’homme » désigne le cheval. Il est, de tous les animaux, celui qui a sans doute le plus influencé l’histoire et les progrès de l’humanité.

Dès l’Antiquité, le cheval a été domestiqué par l’homme qui l’utilise dans de nombreuses activités : agriculture, transport, nourriture, guerre et sport. La domestication du cheval a permis le développement du commerce et la naissance de civilisations sur de grandes étendues. Un vaste vocabulaire spécialisé s’est développé pour décrire les concepts liés au cheval : leurs races, leurs comportements, leurs morphologies, leurs locomotions et leurs élevages. Des métiers sont liés à leurs entretiens, à leurs commerces et à leurs activités sportives. C’est à travers les arts islamiques, que nous découvrons cette passion du cheval équestre.

La petite histoire du cheval en Arabie

Les tribus désertiques de la péninsule arabique, les Bédouins ont élevé une race de cheval particulière : le pur-sang arabe. Cette race a accompagné l’expansion de l’Islam et a gagné d’autres régions à l’occasion de guerres et d’échanges commerciaux. Dans ces conditions désertiques difficiles, le cheval arabe a évolué avec sa grande capacité pulmonaire et son incroyable endurance.

Pur-sang arabe domestiqué par les bédouins préislamiques[2]

Le climat rigoureux a obligé les nomades à partager la nourriture et l’eau, et parfois même leurs tentes avec leurs chevaux. Ainsi, ils ont développé une affinité étroite avec l’animal.

Au fil des siècles, les tribus bédouines ont maintenu avec zèle la pureté de la race. En raison de leurs ressources limitées, les pratiques d’élevage étaient extrêmement sélectives. De telles pratiques, qui ont finalement aidé le cheval à devenir une possession prisée dans le monde entier, ont conduit à la belle race athlétique que nous connaissons aujourd’hui, qui est marquée par un profil en courbes distinctif : de grands yeux lustrés et larges sur un front large, des petites oreilles courbées et des grandes narines.

En arabe, le terme « Furûsiyya » désigne les disciplines scientifiques et techniques se rapportant au cheval dans son sens général. Forgé dès la seconde moitié du VIIIème siècle sous le règne des califes abbassides, ce vocable recouvre l’équitation et le dressage, l’hippologie, l’art vétérinaire, la technologie militaire, la formation du cavalier et du fantassin, la chasse et les sports d’adresse. A ces pratiques s’ajoute un code de vertus chevaleresques. Cet ensemble témoigne de la passion que les Arabes nourrissent pour le cheval depuis l’Antiquité.

« L’air du Paradis est celui qui souffle entre les oreilles d’un cheval. » d’après une sagesse arabe.

De plus on retrouve des représentations de chevaux et de cavaliers qui foisonnent dans les manuscrits et les miniatures, mais aussi sur les céramiques, les métaux, les textiles. Ces figurations, dans lesquelles le harnachement du cheval et l’équipement du cavalier sont détaillés avec soin, transcrivent une réalité qui dépasse la nécessité fonctionnelle pour faire de ces éléments des chefs d’œuvres de l’art décoratif. Les essais et les commentaires d’œuvres rédigés par des historiens, des historiens de l’art, des conservateurs de musées et de bibliothèques apportent un éclairage nouveau et riche sur la relation de l’homme avec sa « plus belle conquête ».

Manuscrit d’hippiatrie arabe daté de 1670, vraisemblablement d’origine égyptienne, détaillant les noms des parties du corps du cheval[3]

De nos jours, le cheval est utilisé principalement pour le loisir et le sport (sauf dans certaines régions du monde où son utilisation est restée la même : pour l’agriculture et le transport. Mais, de nouvelles utilisations ont vu le jour en Europe ces dernières années : la police à cheval, le ramassage de bois (débardage) et l’équithérapie.

L’éveil relationnel par le cheval

Ambre Guerbouz[1] est une jeune femme qui a, dès son plus jeune âge, eu une grande histoire d’amour avec le cheval. Ses parents ont pu l’inscrire en poney club, et ainsi assouvir sa passion. Mais, cela ne s’est pas passé comme elle l’espérait :

« Au poney club, ça ne sait pas bien passé parce que j’arrivais et le cheval était déjà tout prêt, sellé, brossé. C’était vraiment une « usine à poney ». La séance se déroulait ainsi : on monte, on descend et on rentre. Ce n’était pas du tout ce que je recherchais, le relationnel avec le cheval n’existait pas. »

Après cette expérience difficile, Ambre s’inscrit dans une ASBL à Virginal en tant que bénévole et développe son approche relationnelle avec les chevaux en s’occupant d’eux, en les nourrissant, en les brossant. Parallèlement, elle obtient tous ces diplômes (diplômée d’une école d’équitation belge).

Son désir d’avoir son propre cheval grandissait sans cesse. Et finalement, avec beaucoup de patience, Ambre est l’heureuse propriétaire d’une jument appelée India depuis 8 ans.

Le projet de Ambre est d’ouvrir le monde équestre à la communauté musulmane, notamment aux femmes. En effet, le monde autour du cheval est un monde fermé et trop rigide dans ses codes vestimentaires et ses préjugés (ouvert seulement aux initiés). D’ailleurs sa conversion à l’Islam lui a valu quelques résistances face aux autres cavaliers et propriétaires qui considéraient qu’elle n’avait pas sa place dans ce monde.

Pour commencer, Ambre ouvre un groupe sur le réseau Facebook pour mettre en place son projet et ainsi se faire connaitre auprès de la communauté. Elle ne fut pas surprise de constater que la communauté musulmane a peu répondu à l’offre. Quelques curieux ou des séances pour les enfants seulement ; et peu de femmes pour elle-même. 

Répondant à leurs inquiétudes, Ambre démystifie la pratique du cheval. En effet, monter sur le cheval n’est pas une priorité, et reste à évaluer en fonction de l’avancement des cours. Ce qui est différent si le but est de faire de l’équitation sportive. Mais, c’est plutôt de la mise en confiance qu’elle travaille, et India, sa jument est docile : sa douceur, sa sensibilité est un atout pour ce genre d’exercices.

De plus, l’environnement est loin des habitats, la piste se trouve dans une nature agréable, et les codes vestimentaires ne doivent pas être un frein pour l’équicoaching. Ambre, elle-même, arrive avec sa longue robe ou un long pull et son voile.

Ambre a conscience de cette grande difficulté et espère que la communauté féminine s’ouvrira à cette approche originale pour prendre confiance et ainsi développer le potentiel en elle.

Travailler sur sa peur de l’échec, sur le regard qu’on porte à soi, sur la gestion des émotions, sur le jugement des autres, sur cette tendance à remettre les projets à demain, sur le fait de ne pas s’autoriser à penser à soi… Une forme « d’éducation positive » dont le thérapeute est un cheval…

Najoua

Pour en savoir plus:

Ambre GUERBOUZ

GSM :0486 37 28 50

                                                                                                                                  Najoua


[1] J’ai interviewé Ambre Guerbouz le mercredi 29 juin 2022.

[2] Image tirée du site Muslim-mine.com

[3]Image tirée du site wikipedia.org : le cheval oriental.