Au Nom de Dieu le Tout Rayonnant d’Amour, le Très Rayonnant d’Amour,

« Il dit : « Ô mon Seigneur, la prison m’est préférable à ce à quoi elles m’invitent. Et si Tu n’écartes pas de moi leur ruse, je pencherai vers elles et serai du nombre des ignorants » [des pécheurs]. »[1]

Lors de ma méditation, ma plume a été emportée par l’écriture d’une histoire vraie. L’histoire d’une famille qui va se déchirer, deux frères inséparables que le destin va éloigner l’un de l’autre. L’un d’eux s’est fait manipuler et est parti en Syrie… Un enchaînement de drames qu’ils vivront. Pourtant derrière des faits que nous ne comprenons pas, réside un secret que seul notre Créateur connaît…

Être libre ne signifie pas faire ce que l’on veut et vivre où l’on veut, mais c’est être ce que l’on est au-delà des limites qui nous sont imposées.

Il y a ces murs de briques, trop haut auxquels tu as été confronté,

Il y a ces murs qui nous séparent de ceux qu’on aime,

Il y a ces murs qui protègent, ceux qui isolent…

Il y a ces murs tel le Dawn Wall, qui permettent de voir autre chose une fois escaladés,

Il y a au-delà de ces murs, un monde que tu as créé et imaginé,

Tu as souhaité sauver ton frère monozygote qui avait choisi un autre type de liberté, allant se joindre aux troupes armées en Syrie,

Tu as pris cette lourde responsabilité de faire sécher les larmes de celle qui vous a donné la vie et finalement elle perdra les plus belles choses de ce monde,

Tu seras intercepté aux frontières, ne parvenant plus jamais à raisonner ton frère,

La justice t’enferme, alors que tu n’as commis aucun crime, ton casier judiciaire est vierge, pour un verdict de terroriste, mais quelle histoire triste !

La porte se referme… provoquant un bruit inoubliable, un bruit irrévocable, tu entends l’épaisseur du fer de ces clefs qui claquent entre elles.

Deux grands verrous te couperont désormais de tout contact car tu es une menace pour la sécurité, c’est l’enfermement! Ce qu’ils ne savent pas c’est que tu es tel un esprit qui incarne la sagesse et la largesse,

La réalité est que tu y resteras croupir et ce pour plusieurs années, tout se fragmente, tout s’écroule, tout te tourmente mais ton imagination demeurera ta clef,

Impossible de programmer ta vie jusqu’aux moindres détails, le destin finira par avoir le dernier mot, peu importe où que tu ailles.

Tu apprends que ton frère n’est plus… tu comprends que la seule image qu’il te reste de lui c’est ton reflet dans le miroir, visualiser ces yeux bleus, cette couleur qui symbolisait tant l’immortalité, ce bleu qui du simple regard apaise et calme profondément… comme le son de ces vagues qui viennent s’échouer délibérément…

Tu pleures comme un enfant éteint et tu lui adresses ces peu de paroles avec un goût amer histoire d’essayer de te soulager : « pars en silence, comme si rien ne s’était passé, que tout ce que nous avons vécu n’était finalement qu’un rêve

Tu pleures jusqu’à la somnolence ton frère parti pour un long exil. Tu pleures de douleur ce malheur qui te touche, ainsi l’histoire s’achève… Mais renaissance il y a…

Tu deviens Edmond Dantès, tu occupes tes journées et tes nuits par l’apprentissage du saint Coran, ton lien avec le Créateur tu le souhaites désormais différent, telle la lecture d’un roman qui te fait éclipser du moment présent. Ta voix se perfectionne, elle semble venir de si loin comme une note de piano.

Elle parvient à percer ces zones impénétrables, pour venir se déposer délicatement dans l’oreille de tes voisins prisonniers, cette voix semble sortir d’un tombeau si lointain du côté de l’Orient. Une voix qui vient emplir les cœurs de joie, jusqu’à redessiner aux lèvres des sourires et faire couler des larmes.

« N’est-ce point par l’évocation d’Allah que se tranquillisent les cœurs ? »[2]

C’est au-delà d’une voix humaine, elle parvient à fendre ces murs de béton, elle traverse le fracas de ces nombreuses vies et comme un tonnerre à faire trembler ses pairs.

Ton parfum de liberté te permet de voyager, tu passes des heures interminables à apprendre dans une bibliothèque imagée.

La liberté n’est pas celle d’être amené là où l’on veut, la liberté est celle qui t’a permis de voyager plus loin, là où seuls les cœurs peuvent s’y arrêter.

Et nous ? L’entendons-nous cette voix ?

« Nous l’avons fait descendre en arabe afin que vous raisonniez ! »[3]

Nous ne sommes pas enfermés et pourtant nous ne profitons pas de notre liberté,

Nous pouvons respirer à l’extérieur et pourtant l’intérieur nous fait horreur.

Que faisons-nous de notre temps libre ? Notre Créateur ne jure-t-il pas par le temps ?

Nos heures sont comptées et viendra le jour où elles seront scrutées où tout, dans les moindres détails sera détaillé et divulgué,

« …..Il disait la prison m’est préférable que ce à quoi elles m’invitent,… » 

Tu es tellement étrange que le gardien de prison te trouve si doux qu’il ne comprend pas ta présence en ces lieux, il s’agit presque d’une aberration.

Une injustice muette… tu resteras enfermé cinq années durant pour enfin recouvrer ta pleine liberté… Mais au fond tu vivais déjà l’évasion, comme un épicurien tu te retrouvais dans ces jardins de la sagesse tu y entrais empli de rêves, laissant derrière toi l’angoisse et le tourment…

Hana Elakrouchi


[1] Sourate Youssouf v33

[2] Coran

[3] Coran 

Un moment suspendu…

La méditation est un moment de pause que chacun de nous doit faire dans sa journée. Elle commence par une simple réflexion, puis elle vous permet de déambuler dans des endroits les plus improbables, c’est un moment magique !Se faire confiance et se laisser guider, une manière de s’abandonner aux images, aux mots, aux couleurs qui nous viennent à l’esprit.

Comment franchir les portes de la méditation ?

Par la solitude ! Il est très difficile d’être en état de méditation en étant dans un environnement perturbant. L’âme a besoin de paix pour se laisser emporter tranquillement au fil des pensées. La nécessité de s’isoler est donc une démarche primordiale !

Ma méditation s’est portée sur un verset de la sourate 101 « Le fracas », verset 4 : « C’est comme le jour où les gens seront comme des papillons éparpillés ». Kal farachi lmabthouth, en arabe!

J’étais dans un jardin en compagnie de belles âmes, nous sommes en automne, le refrain de la poésie de Maurice Carême m’accompagne dans ce doux moment…ce fameux refrain que nous avons, pour la plupart, étudié sur les bancs de l’école, cette période d’innocence…

Il ne faisait pas froid, seule la brise nous invitait à ce vent de liberté, ce vent ayant parcouru des lieux inimaginables tel le parcours d’un nomade. Mon regard est alors attiré par ce papillon, seul, alors j’ai souhaité être sa compagne de route. Sa danse était si élégante que je me suis mise à valser avec lui !

Quelques jours après, je me mets à ma tâche, je m’isole et je prends mon coran que je lis…je m’arrête sur ce verset de la sourate « Le fracas » : « C’est comme le jour où les gens seront comme des papillons éparpillés. »

Un sentiment de mal-être s’empare de moi !

Ce papillon qui m’a fait oublier l’instant présent me revient à l’esprit. Il était si fragile, si beau !

Je me mets à rechercher ses caractéristiques afin de comprendre pourquoi Allah en parle dans un verset ! Pourtant, Allah nous parle du jour le plus dur, du jour le plus terrible, le jour de l’angoisse, le jour où, vous le verrez, toute nourrice oubliera ce qu’elle allaitait !

Je monte dans la camionnette de Jamy avec son équipe, vous vous en souvenez ? Nous pénétrons une réserve naturelle dans laquelle se trouve un élevage de papillons. Je découvre des milliers d’espèces. Je découvre les différents stades dans sa physionomie, ses mets composés de jus de fruits et de nectar de fleurs. Quand il est dans son cocon, il est drapé de soie. Je suis émerveillée par ces découvertes.

Seigneur! Tu n’as pas crée cela en vain!

Cet insecte est décidemment merveilleux, dans certaines cultures, le croiser est signe de bon augure !

Mes yeux se reposent sur le titre « Le fracas ». Une autre appellation du jour le plus terrible que l’humanité vivra! Kal farachi mabthouth ! Comme des papillons éparpillés.

Celui que j’observais me semblait valser mais à y réfléchir, non, c’est juste que sa trajectoire n’est pas précise.

Là, je médite sur ma vie… je ne connais pas le repos mental.

Rattraper ce temps perdu avant que mon délai ne soit consumé, je vis dans cette crainte que la mort ne me surprenne dans mon état d’ignorance !

Je suis à l’image de ce papillon qui papillonne, mes pensées vont dans tous les sens, entrainées à 1000 lieux de mon point de départ, me poser 1001 questions pour que la seconde d’après elles se multiplient…

« KAL FARACHI LMABTHOUTH ! »

J’ai mal, ma poitrine se serre, je repose mon regard sur le coran comme pour rechercher cette bouffée d’oxygène pour me sortir de cette asphyxie.

« Waman ya3mal mithqala daratine khayran yarah ! » Quiconque fait le poids d’un atome de bien le verra

L’Amour d’Al Wadoud s’empare de moi, je finis par conclure que l’image du papillon, dans ce verset, était une manière de mettre en exergue Sa douceur, reconnaissant la fragilité de chacun de nous, reconnaissant la beauté de chacun de nous !

Elakrouchi Hana