Les élections à la loupe

Notre article de janvier tentait d’expliquer le plus simplement possible le fonctionnement d’un état comme la Belgique. Dans cet article, nous souhaitons faire un rappel sur le fonctionnement des élections, qui approchent à grands pas. En Belgique, on vote tous les 5 ans pour les élections européennes, fédérales et régionales. On vote tous les 6 ans pour les élections provinciales et communales. Pour la première fois depuis que la Belgique est un état fédéral, toutes ces élections se dérouleront lors d’une même année. On peut dire que 2024 sera donc une année très électorale.

Mais qu’est ce que voter ? D’où nous vient ce droit ( ou pour certains cette obligation) ? Qui vote et comment applique-t-on dans la pratique le verdict des urnes ? Petit florilège historique du droit de vote

En Belgique les élections se font au « suffrage universel ». Cela signifie que le droit de vote n’est pas restreint par des conditions de revenus, de diplôme, ou d’hérédité. En effet, en 1831 ne peuvent voter que les hommes de plus de 25 ans qui paient un certain quota d’impôts : on parle alors de suffrage censitaire. En 1893, un même électeur peut représenter 2 ou 3 voix à lui seul selon son revenu ou son diplôme.

Les conditions du suffrage évolueront au cours du temps pour aboutir au suffrage universel en 1919.

Les femmes arracheront quant à elles ce droit en 1948.

En 1981, l’âge minimum légal pour voter passe de 21 ans à 18 ans.

En 1999 et 2004, d’autres ajustements ouvrent le droit de vote pour les citoyens étrangers sous certaines conditions et à certaines élections seulement.

Le dernier en date s’appliquera dès 2024 : le droit de vote dès 16 ans aux élections européennes pour tous les ressortissants de l’union européenne.

Qu’est ce que voter ?

Voter est une manière d’exercer sa citoyenneté. C’est l’occasion pour chacun de choisir les représentants en qui il a le plus confiance, et qui influenceront les décisions politiques futures qui toucheront tous les citoyens.

Pour exercer ce droit de façon éclairée, il est utile de se renseigner sur les programmes et les idées prônées par les candidats et les partis. Afin d’opérer un choix qui corresponde au mieux à ses propres valeurs et priorités.

En Belgique, le vote est obligatoire et tout citoyen convoqué qui ne s’est pas présenté au bureau de vote est passible d’une amende. Le vote est secret, afin de garantir la liberté de choix.

Pour quelles fonctions voterons-nous réellement en 2024 ?

Il est important de comprendre que les citoyens élisent uniquement les représentants des assemblées et des parlements. Les différents gouvernements, les collèges provinciaux, les collèges des bourgmestres et échevins ne sont pas élus directement par la population. Selon le niveau de pouvoir ils sont élus par les assemblées correspondantes ou nommés par le Roi.

Aux européennes, nous élirons les députés européens, lesquels seront les représentants belges du Parlement européen.

Aux fédérales, appelées aussi législatives, nous élirons les députés qui composent la chambre des représentants.

Aux régionales et communautaires, nous élirons les représentants des parlements des régions et des communautés.

Aux provinciales, nous élirons les membres des 10 conseils provinciaux du pays.

Aux communales, nous élirons les membres des différents conseils communaux de Belgique.

Comment sont répartis les sièges au sein des différentes assemblées ?

En Belgique, l’attribution des sièges se fait au scrutin proportionnel. Les sièges sont octroyés proportionnellement au nombre de voix recueillies par chaque parti. C’est le contraire du scrutin majoritaire.

Ce système favorise la fragmentation des assemblées entre de nombreux partis. C’est ainsi que nous avons des coalitions politiques, c’est-à-dire une association temporaire de différents partis pour former un gouvernement.

Concrètement, une fois les résultats connus, le parti qui a remporté le plus de voix contacte les autres pour constituer une majorité. Ensemble, ils élaborent un programme commun, qu’on appelle le pacte de majorité.

Par le jeu des alliances, il peut arriver qu’un parti perde la main et qu’une coalition se forme sans lui. Ainsi, ce n’est pas forcément la parti « victorieux » qui se retrouvera au pouvoir dans notre pays.

Ces coalitions portent en général des noms qui évoquent les couleurs des partis politiques qui les composent. L’actuelle coalition s’appelle la Vivaldi, en référence aux « Quatre saisons de Vivaldi », et aux quatre couleurs des grandes familles politiques socialistes/ libéraux/ écologistes/ chrétiens- démocrates. 

Le cordon sanitaire

Il existe en Belgique un dispositif qui vise à empêcher les partis d’extrême-droite de gouverner. C’est le fameux cordon sanitaire. Il consiste en un accord entre les partis démocratiques qui s’engagent à ne pas négocier avec l’extrême-droite et à ne pas former de gouvernement avec elle. C’est aussi empêcher ces partis d’avoir un temps de parole libre dans les médias.

Ceci dit, certaines voix dénoncent « l’hypocrisie » supposée de ce cordon, puisque rien n’empêche les partis extrémistes de se présenter aux élections.

D’autre part, cette mesure d’exclusion est dénoncée par certains comme étant elle-même anti- démocratique.

Rendez-vous au prochain article pour nous pencher ensemble sur les différentes familles politiques et les partis qui les représentent.

Hayat Belhaj

Maroc-Israël: une normalisation contestée par le peuple

Le 10 décembre 2020, Israël et le Maroc rétablissent leurs relations diplomatiques dans le cadre d’un accord trilatéral impliquant les États-Unis. Le royaume chérifien devient ainsi le quatrième pays arabe après les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Soudan, à normaliser ses relations avec Israël. Si au sommet de l’État, cette décision est saluée, elle ne sera, par contre, jamais acceptée par le peuple marocain…

Cet attachement à la cause palestinienne n’est pas nouveau et est partagé par l’ensemble des pays arabes. Pour preuve, les manifestations en soutien au peuple palestinien sont celles qui rassemblent toujours un nombre considérable de personnes, parfois jusqu’à plusieurs millions à travers le monde.

Malgré une forte pression en faveur de la normalisation entre les pays arabes et Israël, des pays résistent, c’est le cas notamment de l’Algérie ou de la Tunisie qui refusent toujours d’établir des relations diplomatiques avec l’État hébreu. D’ailleurs, le drapeau palestinien accompagne très souvent leurs emblèmes nationaux lors de manifestations politiques ou d’évènements sportifs. Et le Maroc ne fait pas exception. Certains ont payé cher les critiques adressées au « makhzen[1]» jugé incapables de défendre les Palestiniens.

L’accord de normalisation entre Rabat et Tel Aviv a donc été perçu faussement comme la fin de la solidarité populaire à la cause palestinienne. Cette normalisation n’a jamais été acceptée par les Marocains dans leur ensemble, qui continuent à marquer leur attachement à défendre leurs « frères » victimes d’injustice. Pour preuve, la dernière Coupe du Monde au Qatar où de nombreux observateurs ont indiqué que la Palestine était la véritable gagnante de la compétition sans qu’aucun joueur palestinien n’ait foulé la pelouse qatarie. Et cela, grâce à la performance du Maroc qui n’a pas hésité à associer le drapeau noir, blanc, vert et son triangle rouge à sa victoire. Toutes ces manifestations d’amour envers la Palestine, ont montré qu’Israël ne sera jamais accepté par les Arabes tant qu’il demeurera une puissance occupante qui bafoue les droits humains les plus élémentaires.

La footballeur marocain Achraf Dari célèbre la qualification pour les demi-finales en brandissant un drapeau palestinien au stade al-Thumama de Doha. © EPA-EFE/Abedin Taherkenareh

Les avantages politiques obtenus par le gouvernement marocain en échange des droits des Palestiniens semblent dérisoires : la reconnaissance américaine de la revendication de Rabat sur le Sahara marocain. Cependant, la géopolitique mondiale semble plus que jamais remise en question : la supériorité des États-Unis et de l’Occident est de plus en plus contestée sur le continent africain. De nouveaux acteurs puissants, comme la Russie et la Chine, gagnent du terrain et fragilisent cet équilibre instauré depuis de (trop) nombreuses décennies

Israël, de son côté, souhaite bénéficier de l’immense zone marchande que représentent les pays arabes et espère en contrepartie en retirer toutes sortes d’avantages économiques mais tout en continuant à asservir les Palestiniens. Il est donc temps pour le Maroc et d’autres pays arabes de reconsidérer leur engagement en faveur de l’État hébreu au risque de payer cher les maigres consolations reçues en échange de cet énorme sacrifice consenti.

À l’occasion du deuxième anniversaire de l’accord de normalisation, des dizaines de milliers de Marocains ont manifesté à travers tout le pays (30 villes différentes) leur opposition à cette décision à travers un slogan : « le peuple veut abattre la normalisation ». Des protestations organisées par le Front marocain de Soutien à la Palestine et contre la Normalisation.

L’année 2022 a été particulièrement sanglante en Palestine. Elle est en passe de battre un nouveau triste record : l’année la plus meurtrière pour les Palestiniens de Cisjordanie depuis 2005…, selon l’envoyé des Nations-Unies pour le Moyen-Orient.

Ce mouvement populaire ainsi que tous ceux qui existent à travers le monde indique que la Palestine restera une lutte nationale au Maroc et dans d’autres pays arabes, et cela, malgré les décisions prises par des gouvernements prêts à sacrifier l’honneur et la justice sur l’autel de pauvres ambitions personnelles…

H.B.

[1] Le makhzen (مخزن) est un terme arabe désignant un entrepôt fortifié utilisé jadis pour le stockage des aliments, et qui a donné le mot magasin en français. Le makhzen désigne de façon spécifique et jusqu’à nos jours l’appareil étatique marocain.

La Belgique, ce casse-tête chinois

Si la Belgique est souvent appelée « le pays du surréalisme » ce n’est pas seulement pour son peintre René Magritte, considéré comme le maître du surréalisme en peinture. En réalité, le surréalisme de la Belgique évoque la complexité de son système politique et de ses institutions (due à son histoire), ainsi que les nombreux compromis qui sont nécessaires pour dégager des accords qui contentent le plus grand nombre. Alors, compliquée la Belgique ? Incontestablement ! Mais nous allons tenter en quelques articles de brosser un portrait simplifié de son fonctionnement et de sa structure. Ainsi que des couleurs et des tendances politiques qui font son identité, reflet des aspirations et préoccupations de ses citoyens. 

Quel type d’état est la Belgique ? 

La Belgique est une monarchie constitutionnelle parlementaire. En effet, le chef de l’État belge est un roi. Mais c’est un chef symbolique dont le pouvoir est limité par la constitution. Il est indépendant des partis politiques. Il est le garant de l’unité nationale et territoriale, il représente et défend les intérêts du pays à l’étranger. De part sa neutralité, il est aussi un médiateur lors de crises politiques internes.  

La monarchie est aussi parlementaire. Cela veut dire que le roi ne peut entreprendre quoi que ce soit sans l’accord du gouvernement.  

Structure de l’État belge

La Belgique est structurée comme suit : 

  • Un état fédéral
  • 3 régions (basées sur le territoire) : la Wallonie, la Flandre, Bruxelles-Capitale 
  • 3 communautés (fondées sur la langue) : flamande, francophone, germanophone 
  • 10 provinces
  • 581 communes 

Au fur et à mesure des réformes (les dernières en 2012 et en 2014), l’état fédéral a transféré de plus en plus de compétences vers les 3 régions et les 3 communautés, qu’on appelle aussi les entités fédérées. Ces entités fédérées ont ainsi gagné plus d’autonomie.  

Le pouvoir et les décisions sont donc partagés entre l’état fédéral et les entités fédérées (régions et communautés). Voilà pourquoi la Belgique ne compte pas moins de 6 gouvernements, un fédéral et un pour chaque région et communauté, la Flandre ayant un seul gouvernement à la fois pour sa communauté et sa région.  

Qui fait quoi ?  

  • Le gouvernement fédéral prend des décisions pour l’ensemble du pays. Son chef est le premier ministre. Il travaille avec maximum 15 ministres ainsi que des secrétaires d’état. Ceux-ci sont à la tête de ministères, plus connus désormais sous le nom de SPF (service public fédéral). Ses domaines d’actions sont : la défense, la justice, les finances, les affaires étrangères, la sécurité sociale, la santé publique (en partie), etc. 
  • Les entités fédérées (régions et communautés) ont des compétences propres et variées qu’elles exercent en autonomie pour la Flandre, pour la Wallonie ou pour Bruxelles-Capitale.  

A leur tête, on retrouve des ministres-présidents et des chefs de gouvernement.  

Les régions vont gérer des domaines comme l’emploi, l’agriculture, l’économie, l’énergie, etc. 

Les communautés sont responsables de sujets tels que la langue, la culture, l’enseignement (en partie), etc.

N.B : le fédéral, les régions et les communautés ne possèdent aucune hiérarchie entre eux. Ils sont tous trois sur un même pied d’égalité mais exercent leurs fonctions dans des domaines différents. 

N.B : le fédéral, les régions et les communautés possèdent chacun leur gouvernement mais aussi leur parlement.  

  • Les provinces, elles, sont sous contrôle des autorités supérieures (communautés ou régions). Leurs chefs sont les gouverneurs de province. Ils se réunissent en collège.  

Ils gèrent tout ce qui est d’intérêt provincial, c’est-à-dire ni fédéral, ni régional ou communautaire, ni communal. Par exemple, une partie de l’enseignement, l’environnement, le transport, le logement, les travaux publics. 

  • Les communes quant à elles, ont des compétences larges, qui concernent les besoins collectifs de leurs habitants, comme les naissances, les décès, les mariages, l’ordre public, la propreté communale, les CPAS. Elles sont aussi sous contrôle des autorités supérieures. Leurs chefs sont les bourgmestres.  

Pour être complet, il faut noter que les compétences sont parfois éclatées entre le fédéral, les communautés et les régions. C’est le cas de la santé par exemple, ce qui a donné lieu à une gestion difficile de la crise covid, avec pas moins de 9 ministres de la santé. 

La Belgique, un état de droit 

En tant que démocratie, la Belgique a organisé la séparation des 3 grands pouvoirs afin qu’aucun d’eux ne puisse concentrer tous les pouvoirs. Et qu’aucune influence malsaine ne puisse avoir lieu. Ainsi, un ministre ne peut donner d’ordre à un juge. Nous avons donc : 

Le pouvoir législatif : il fait les lois. Il se compose du parlement (sénat + chambre des représentants) 

Le pouvoir exécutif : il fait appliquer les lois. Il se compose du gouvernement fédéral et du roi. 

Le pouvoir judiciaire : il sanctionne les violations de la loi. Il appartient aux tribunaux.  

Alors vous avez trouvé ça compliqué ? Et vous avez raison. Vous pouvez maintenant vous récompenser d’un bon morceau de chocolat comme nous en avons de si délicieux !

Rendez-vous au prochain article pour parcourir ensemble les fondements du système électoral en Belgique.  

Nous nous intéresserons également aux différentes couleurs politiques présentes chez nous, ce qu’elles portent comme valeurs et idéologies.  

Enfin, nous ferons connaissance avec les partis politiques qui font la pluie et le beau temps de notre plat pays. 

Portez-vous bien! 

Hayat Belhaj