Maroc-Israël: une normalisation contestée par le peuple

Le 10 décembre 2020, Israël et le Maroc rétablissent leurs relations diplomatiques dans le cadre d’un accord trilatéral impliquant les États-Unis. Le royaume chérifien devient ainsi le quatrième pays arabe après les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Soudan, à normaliser ses relations avec Israël. Si au sommet de l’État, cette décision est saluée, elle ne sera, par contre, jamais acceptée par le peuple marocain…

Cet attachement à la cause palestinienne n’est pas nouveau et est partagé par l’ensemble des pays arabes. Pour preuve, les manifestations en soutien au peuple palestinien sont celles qui rassemblent toujours un nombre considérable de personnes, parfois jusqu’à plusieurs millions à travers le monde.

Malgré une forte pression en faveur de la normalisation entre les pays arabes et Israël, des pays résistent, c’est le cas notamment de l’Algérie ou de la Tunisie qui refusent toujours d’établir des relations diplomatiques avec l’État hébreu. D’ailleurs, le drapeau palestinien accompagne très souvent leurs emblèmes nationaux lors de manifestations politiques ou d’évènements sportifs. Et le Maroc ne fait pas exception. Certains ont payé cher les critiques adressées au « makhzen[1]» jugé incapables de défendre les Palestiniens.

L’accord de normalisation entre Rabat et Tel Aviv a donc été perçu faussement comme la fin de la solidarité populaire à la cause palestinienne. Cette normalisation n’a jamais été acceptée par les Marocains dans leur ensemble, qui continuent à marquer leur attachement à défendre leurs « frères » victimes d’injustice. Pour preuve, la dernière Coupe du Monde au Qatar où de nombreux observateurs ont indiqué que la Palestine était la véritable gagnante de la compétition sans qu’aucun joueur palestinien n’ait foulé la pelouse qatarie. Et cela, grâce à la performance du Maroc qui n’a pas hésité à associer le drapeau noir, blanc, vert et son triangle rouge à sa victoire. Toutes ces manifestations d’amour envers la Palestine, ont montré qu’Israël ne sera jamais accepté par les Arabes tant qu’il demeurera une puissance occupante qui bafoue les droits humains les plus élémentaires.

La footballeur marocain Achraf Dari célèbre la qualification pour les demi-finales en brandissant un drapeau palestinien au stade al-Thumama de Doha. © EPA-EFE/Abedin Taherkenareh

Les avantages politiques obtenus par le gouvernement marocain en échange des droits des Palestiniens semblent dérisoires : la reconnaissance américaine de la revendication de Rabat sur le Sahara marocain. Cependant, la géopolitique mondiale semble plus que jamais remise en question : la supériorité des États-Unis et de l’Occident est de plus en plus contestée sur le continent africain. De nouveaux acteurs puissants, comme la Russie et la Chine, gagnent du terrain et fragilisent cet équilibre instauré depuis de (trop) nombreuses décennies

Israël, de son côté, souhaite bénéficier de l’immense zone marchande que représentent les pays arabes et espère en contrepartie en retirer toutes sortes d’avantages économiques mais tout en continuant à asservir les Palestiniens. Il est donc temps pour le Maroc et d’autres pays arabes de reconsidérer leur engagement en faveur de l’État hébreu au risque de payer cher les maigres consolations reçues en échange de cet énorme sacrifice consenti.

À l’occasion du deuxième anniversaire de l’accord de normalisation, des dizaines de milliers de Marocains ont manifesté à travers tout le pays (30 villes différentes) leur opposition à cette décision à travers un slogan : « le peuple veut abattre la normalisation ». Des protestations organisées par le Front marocain de Soutien à la Palestine et contre la Normalisation.

L’année 2022 a été particulièrement sanglante en Palestine. Elle est en passe de battre un nouveau triste record : l’année la plus meurtrière pour les Palestiniens de Cisjordanie depuis 2005…, selon l’envoyé des Nations-Unies pour le Moyen-Orient.

Ce mouvement populaire ainsi que tous ceux qui existent à travers le monde indique que la Palestine restera une lutte nationale au Maroc et dans d’autres pays arabes, et cela, malgré les décisions prises par des gouvernements prêts à sacrifier l’honneur et la justice sur l’autel de pauvres ambitions personnelles…

H.B.

[1] Le makhzen (مخزن) est un terme arabe désignant un entrepôt fortifié utilisé jadis pour le stockage des aliments, et qui a donné le mot magasin en français. Le makhzen désigne de façon spécifique et jusqu’à nos jours l’appareil étatique marocain.