Les kilomètres, les frontières, les ethnies, les cultures, les religions… toutes ces choses, qui trop souvent nous séparent, ne font pas peur à ce virus microscopique aux effets macroscopiques. Soudainement, nous avons été confinés entre nos murs à voir le monde par nos vitraux.
A nos fenêtres, à voir le monde à l’arrêt, comme figé, la nature sans l’homme a pris un souffle nouveau et nous avons pris le temps de la regarder et de nous rendre compte combien est doux l’air caressant nos visages, apaisant le bruit du vent dans les feuilles des arbres, les animaux s’invitant un peu plus loin dans les villes endormies, soulagées de l’absence des hommes.
A nos télévisions, écrans… à l’affut de l’information, obnubilés par la gestion de cette crise sanitaire mondiale sans précédent. Les médias sont devenus rois. Ils donnent la cadence saccadée par des données scientifiques, statistiques…
Saturation, omniprésence d’informations sur cette pandémie anxiogène, souffle coupé, suspendu : l’ère covid a commencé.
La science est devenue le nouveau dogme, le nouveau paradigme et les chiffres, les statistiques, les prévisions, les moyennes, les variables… leur chef de culte nous assaillant, sans toujours tout comprendre, de leur langage « prophétique ».
Vivre au rythme des mesures sanitaires tentant d’éviter la saturation de soins de santé, esquiver un ennemi invisible, le combat est inégal.
Mais nous luttons et continuons de vivre à l’affut du moindre changement de ces restrictions, mesures sanitaires qui, parfois, ont un relent liberticide.
Elle nous a obligés à nous réinventer, à nous repenser, à changer les représentations de nos relations sociales, à trouver des moyens détournés, à nous regarder autrement, à nous aimer autrement, à communiquer autrement mais toujours avec cette force de vivre malgré tout.
Aller prier à la mosquée transformée en un échiquier géant, une place occupée, une autre vide. Les croyants, un tapis de prière à la main, la foi au cœur et une résilience à toute épreuve s’y présentent jusqu’à ce que le quota soit atteint. Échec et mat, on ne rentre plus.
Soucieux de nos proches, nous prions que ce virus ne s’invite pas auprès de nos anciens… Connectés, rester informés, tout en restant prudents, nous nous rendons bien compte combien l’homme est un être social malgré cette distanciation sociale tant souhaitée. Nous avons besoin de la présence des autres dans nos vies. Les personnes isolées, personnes précarisées, les sans-papiers, les personnes handicapées… les oubliés.
Et dans ce flot d’informations, l’humain garde le lien social si fragilisé. Les nouvelles nous parviennent et des invocations nous sont demandées pour le rétablissement ou la mort d’un proche. Nous pleurons, enterrons nos morts contraints par les mesures sanitaires, les fermetures de frontières. Respecter la dernière volonté de ces premiers immigrés qui ont gardé encore vivace à l’esprit le mythe du retour dans leur terre natale, dilemme moral. Et nous voyons la triste expansion du cimetière musulman d’Evere et les rapatriements conditionnés par l’ouverture des frontières.
École à distance, une nouvelle ère scolaire du numérique est arrivée mais nous ne sommes pas tous égaux : « fracture numérique ». École bienveillante, enseignants résistants, élèves résilients, à travers les écrans, tributaires du matériel informatique, du réseau internet… l’année scolaire s’écoule.
Les inégalités se creusent, de nouvelles voient le jour.
Cette crise sanitaire n’est pas qu’un problème de santé publique mais un phénomène social à part entière. Les conséquences sont globales : inégalités sociales, augmentation de la paupérisation, altération du lien social, détresse psychologique… Du microscopique au macroscopique, de l’individu à la collectivité, du national au mondial.
En chacun de nous, cette épreuve a laissé son empreinte, mais a aussi marqué nos sociétés, peut-être est-ce l’occasion de s’interroger et de repenser sérieusement, profondément, notre modèle de société à l’aube de l’ère post-covid.
O.D.