L’islam est-il compatible avec le féminisme?

EN 2017, le féminisme fait partie des termes les plus recherchés sur le net. Un regain d’intérêt important suite notamment à la couverture médiatique de la Women’s March à Washington le 20 janvier 2017. Au lendemain de l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, les femmes sont descendues dans les rues de la capitale américaine et un peu partout dans le  monde, notamment à Bruxelles, pour défendre leurs droits, entre les manifestations contre le sexisme et l’avalanche d’accusations d’agressions sexuelles.

La femme… définie comme manipulatrice, tentatrice, celle qui use de ses atouts pour parvenir à ses fins. Pauvre Ève pécheresse, rendue fautive d’avoir cédé à la tentation invitant Adam à l’imiter. Maligne, la femme a su faire profil bas, a su rester dans l’ombre à scruter et étudier les moindres faits et gestes de l’homme, puis elle décide de sortir des fourrés d’un seul coup et de plaquer l’homme à terre. Une image qui pourrait paraître désuète pourtant elle résiste à travers les siècles. Toutefois, nombreuses qui ont tenté à chaque fois de redonner ses lettres de noblesse et sa place à la femme. Ève, Simone de Beauvoir, Coco Chanel, Margaret Thatcher, Rabia al Adawiya, Marie Curie, Zaynab Nefzaouia… loin d’être une liste exhaustive, étaient toutes sur la même longueur d’ondes. Des mouvements d’idées psychologiques alors naissent et viennent promouvoir l’égalité homme-femme.

Un peu d’histoire

Si dans la tradition judéo chrétienne, la femme est considérée comme coupable du péché originel, le Coran, lui, attribue la responsabilité au couple, contrairement à ce que dit le récit biblique, la femme ne porte pas la culpabilité originelle en elle. L’islam est venu apporter les moyens et outiller les droits octroyés aux femmes. Mais aujourd’hui, au nom de l’islam, la femme est infériorisée, opprimée, soumise. Le message divin n’a pourtant rien d’ambigu : il conjugue la libération spirituelle et sociale des hommes et des femmes de façon égalitaire.

D’où vient dans ce cas cette confusion ?

La position traditionnelle et la lecture misogyne ont infantilisé la femme : l’interprétation patriarcale, la vision exclusivement masculine des textes priment malheureusement depuis des siècles. Les revendications du féminisme occidental et la lecture misogyne de certains textes mènent à confusion et à ne plus réellement savoir quelle cause plaidée.

Un livre, d’une femme engagée, Souad Mossadi, s’est penché sur toutes ces questions relatives aux femmes. Elle apporte de la lumière à ce sujet si tumultueux. Son message est clair, le combat du féminisme occidental ne s’accorde pas à celui de l’islam, il est différent. Le droit de la femme musulmane a été destitué par l’homme, c’est l’une des revendications des  féministes musulmanes. Un droit, un statut élevé que Le Seigneur a octroyé à celles-ci sans avoir dû mener un quelconque combat. Souad Mossadi, dans son livre : « La femme et ses histoires » retrace le parcours de vie de la femme musulmane des XXème et XXIème siècle ainsi que l’histoire du féminisme islamique en terre d’islam et en occident. Elle revient pour « L’Autre Regard » sur son parcours qui l’a mené à la rédaction de cet ouvrage.

Quelle a été la motivation de rédiger votre livre? Quel est le message que vous souhaitez transmettre à travers celui-ci?

Pendant au moins deux ans je n’ai fait que lire et prendre des notes, j’ai ainsi pu lire des dizaines de livres et remplir plusieurs carnets de notes. Ce n’est qu’alors que j’ai commencé à écrire peu à peu tout en continuant mes recherches et mes lectures, j’ai d’abord écrit le chapitre sur le féminisme qui ne devait représenter qu’une très brève préface avant de rentrer dans le vif du sujet mais les informations étaient tellement nombreuses et le sujet si important que j’ai décidé d’en faire le premier chapitre, étant donné que beaucoup de personnes parlent du féminisme mais n’en connaissent pas la véritable histoire et tout ce que cela implique, j’ai voulu retracer le parcours des différentes vagues féministes en Occident et dans le monde arabo-musulman afin d’éclaircir la question et de constater tous ses acquis aussi bien que ses dérives.

D’après vous, est-il possible d’allier vie familiale et vie professionnelle tout en étant sereine?

Dans ce livre que j’ai voulu divisé en quatre chapitres, après avoir tenté de clarifier les questions féministes, j’aborde dans le deuxième chapitre qui est certes le plus long la vie d’une femme dans ses diverses facettes et ses multiples responsabilités depuis sa plus tendre enfance à sa vie adulte qu’elle soit étudiante, célibataire ou épouse, sœur ou belle- sœur, mère ou grand- mère dans la sphère privée sans oublier son rôle dans la sphère publique dans les domaines professionnel, social et politique. Ainsi, le plus grand défi pour la femme est de parvenir à un équilibre entre toutes ses obligations. C’est pourquoi, je me suis attardée sur la conciliation entre ces dernières afin que la femme puisse parvenir à un réel épanouissement.

A la page 275 du livre, on peut notamment lire : « l’islam préconise toujours la voie du juste milieu. Donc, même si le travail peut occuper une grande place dans nos vies de femmes, il ne faut pas non plus en faire le seul objectif de son existence. Le travail doit demeurer une des sphères de notre vie qui peut nous aider à nous épanouir, mais ce n’est pas la seule. »

Le fruit de votre travail est basé sur des recherches très approfondies sans avoir négligé de prendre en compte le contexte.

Cet ouvrage tente d’apporter des réponses aux questions que se posent la plupart des femmes et se basent sur des données scientifiques, historiques, sociologiques, psychologiques mais toujours en accord avec notre corpus religieux avec la volonté ferme de ne jamais entrer en contradiction avec le Coran, parole de notre Seigneur ni les hadiths prophétiques authentiques. Au contraire, par la grâce d’Allah, notre belle religion confirme à chaque fois les données profanes sur lesquelles nous nous sommes appuyées. Le but essentiel de ce livre est de fournir à nos soeurs des sources d’épanouissement, de leur rappeler que la paix du coeur ne se trouve que dans la foi et la proximité d’Allah, que le vrai bonheur est d’ordre spirituel et qu’au final cela a un impact positif sur nos soucis du quotidien.

A la page 32 du livre : « si le voile est vu en Occident comme un symbole de soumission des femmes, en Orient, la pornographie, la prostitution et l’absence de respect pour les femmes dans les médias occidentaux sont vivement critiqués… »

Est-il réellement possible qu’aujourd’hui la femme musulmane puisse jouir de ses droits? Pouvez-vous nous donner un exemple?

J’achève mon livre sur l’histoire de deux femmes exemplaires et sublimes, qui sont une source d’inspiration pour toute femme à la recherche du bonheur, leur vie auprès de notre cher Prophète est un modèle pour nous. A travers l’histoire de Khadija et ‘Aisha, j’ai voulu illustrer tous les concepts que j’ai abordés tout au long du livre et qui peuvent sembler parfois trop abstraits en montrant leur dévouement, leur courage, leur patience, leur confiance inébranlable et leur amour du Prophète et du Créateur malgré les dures épreuves et les difficultés qu’elles vivaient.

Enfin, à la page 513 : « Lorsque nous étudions sa vie, nous sommes subjugués par sa parfaite maîtrise de la jurisprudence, du hadith, de l’exégèse, de la loi islamique, de la poésie, de la généalogie, de la médecine, et de l’histoire. L’Imam AL-Zuhri dit à son sujet: ”Si on rassemblait la science de Aïcha avec la science de toutes les autres femmes, sans aucun doute Aïcha serait meilleure”

Une évolution impressionnante

Pour conclure, force de constater que l’évolution de la situation des femmes musulmanes depuis plusieurs décennies est réellement impressionnante. Indéniablement, elles ont contribué à l’enrichissement de la théologie musulmane jusqu’à son apogée, certaines ont même atteint un très haut niveau d’érudition à l’échelle internationale. Alors pourquoi ce silence ? Pourquoi la femme doit être reléguée au second plan, pourquoi devoir s’effacer jusqu’à devenir invisible ?

Les lectures sclérosées des textes sacrés et coutumes aberrantes qui les accompagnent, ont fortement contribué à la marginalisation de la femme et plus largement à la décadence du monde arabo-musulman. Nul doute que l’un des plus importants défis aujourd’hui c’est de mettre en lumière et sous les projecteurs ces femmes savantes, militantes, influentes… Et de permettre la renaissance de la pensée de la femme avec un grand « F », et ce en toute liberté.

Rêve utopique pour certains, possible pour d’autres, du moins ne jamais craindre l’utopie. Comme disait Dom Helder Camara : « Quand on rêve seul, ce n’est encore qu’un rêve, quand on rêve à plusieurs, c’est déjà une réalité. »

Hana

Pour en savoir plus:

Souad Mossadi, « La Femme et ses Histoires, à la recherche du bonheur aux sources de la foi », aux Editions Al Hadith

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