Oumati, oumati

« 3 : 103 – Et cramponnez-vous tous ensemble au « Habl » (câble) de Dieu et ne soyez pas divisés; et rappelez-vous le bienfait de Dieu sur vous: lorsque vous étiez ennemis, c’est Lui qui réconcilia vos cœurs. Puis, par Son bienfait, vous êtes devenus frères. Et alors que vous étiez au bord d’un abîme de Feu, c’est Lui qui vous en a sauvés. »

Parfois, nous vivons un sentiment de solitude même si nous sommes bien entourés.

Parfois, nous nous sentons délaissés et pas épaulés.

Parfois, certaines pensées se dessinent sur les visages et nous nous sentons jugés.

« La prière d’un homme en commun est multipliée par rapport à sa prière à la maison et dans son échoppe de vingt-sept degrés, et ce car s’il fait les ablutions et parfait les ablutions, puis sort vers la mosquée en ne désirant que la prière, il ne fait de pas sans qu’il ne soit élevé d’un degré et que ne lui soit ôté un péché….».

Nous comprenons qu’il s’agit de la prière du vendredi, c’est un grand jour pour chaque musulman, un jour qui mérite d’être honoré, ce jour nous éloigne de nos distractions du quotidien pour nous reconnecter ensemble à notre Créateur.

Allah (soubhanou wa ta’ala) dit dans le Coran, Sourate Al-jumu’a (le vendredi):

« Ô vous qui avez cru ! Quand on appelle à la Salât du jour du Vendredi, accourez à l’invocation de Dieu et laissez tout négoce. Cela est bien meilleur pour vous, si vous saviez ! » (verset 9). « Puis quand la Salât est achevée, dispersez-vous sur la terre, et recherchez [quelque effet] de la grâce de Dieu, et invoquez beaucoup Dieu afin que vous réussissiez. » (verset 10).

Elle se dirige vers la maison de Dieu d’un pas lent pour bénéficier de plus de mérites. Sur le chemin, elle croisera certainement un visage, lui sourire afin de lui redonner du soupir.

Elle va à la rencontre de sa communauté, même si le cœur n’y est pas.

Durant la prière, elle sera près d’une épaule sur laquelle elle pourra pleurer, pour serrer les rang, elle rapprochera ses chevilles pour ne faire qu’un. 

« Et cramponnez-vous tous ensemble au « Habl » (câble) de Dieu et ne soyez pas divisés… »

Elle craint de ne plus avoir de force de tenir cette corde, elle veut se défaire de ce mal-être mais elle a besoin qu’on la guide.

La prière est terminée, tel le déplacement des fourmis, rapides elles se dirigent vers la porte, chacune est obnubilée par ses chaussures, peu de regards sont échangés.

Elle observe ce monde comme le chaos éternel

Elle observe l’absence d’ordre

Elle est parmi elles mais se sent complètement étrangère 

Elles accourent, certes vers leurs occupations légitimes,

elle reste à l’arrière, pétrifiée, comme collée à l’asphalte, observant ce temps qui passe se rendant compte qu’il y a, en elle, quelque chose qui s’efface.

Sur le chemin qui la menait à la mosquée, elle recherchait ces personnes qu’elle croiserait ou qui emprunteraient le même trottoir et qui ne la laisseraient pas indifférente, scrutant cette rencontre qui bouleverse tel un Monté Christo emprisonné, cloisonné à la recherche d’un abbé Faria pour lui faire gouter un vent de liberté, 

Sa communauté était dans la forme  n’ont-elles pas compris que ce moment de marche est censé les unir ? 

N’était-il pas l’occasion de lire dans les yeux ce cri assourdissant et profond ?

N’était-il pas le moment de se cramponner ensemble a cette corde ?

De ce pas, ne devait-il pas se produire ce qui s’est déroulé avec nos compagnons Handala et Abou Bakr :

« Abou Bakr me rencontra et dit : « Comment vas-tu Handala ? ». 

Je dis : « Handala est devenu hypocrite ! ».

 Il dit : « Gloire à Allah ! Que dis-tu ? ». 

Je répondis : « Lorsque nous sommes chez le Messager d’Allah (ﷺ), il nous rappelle (nous raconte) le feu [de l’Enfer] et le Paradis, au point que nous avons l’impression de les voir. Mais dès que nous quittons le Messager d’Allah (ﷺ), nous nous préoccupons de nos épouses, nos enfants et de nos affaires [d’ici-bas], ainsi nous oublions beaucoup [la vie de l’au-delà] . » 

Abou Bakr dit : « Par Allah, nous ressentons la même chose ! ». Je partis donc avec Abou Bakr chez le Messager d’Allah (ﷺ) et lui dit : « Handala est devenu hypocrite, Ô Messager d’Allah ! ». ….

N’était-il pas l’occasion de se confier pour se renforcer et se réconforter ?

De s’accorder du temps mutuellement ?

De s’accorder un moment d’écoute dans la bienveillance et de la compassion ?

L’individualisme a triomphé, seul, au détriment de la collectivité…

La mosquée se vide de ses adorateurs, elle reste sur une fin d’histoire, comme inachevée, elles n’ont laissée derrière elles qu’un effluve de musc mélangé aux émanations corporelles. Elle décide d’attendre la prochaine prière. Dans un coin de la mosquée, elle ne dort que d’un œil, afin d’être prête à recevoir Ses mots.

Elle s’émeut dans le silence son cœur lui murmure des mots d’amour. IL les entend, qui pourrait assouvir ses désirs ? Ses promesses, comment pourrait-elle les oubliées ?

« Nous sommes plus près de l’Homme que sa veine jugulaire (Coran 50, 16) »

Elle escalade lentement ce mont de l’espoir luttant ainsi contre le désespoir ;

Omettant de le désactiver, le son du téléphone l’extrait de ce doux moment d’absence. Voilà un message d’un numéro complètement inconnu: « …et saches que tu as laissé une trace dans ma vie, il m’arrive très souvent de penser à toi et à ta gentillesse je ne pourrais jamais assez te remercier »

Ses yeux s’emplirent de larmes, elle remonte dans les anciennes conversations essayant de reconnaître l’auteure de ce message, il fut le fruit d’un mot de réconfort lors d’une rencontre d’il y a 12 ans…

« Quiconque craint Allah, Il lui donnera une issue favorable,  et lui accordera Ses dons par [des moyens] sur lesquels il ne comptait pas. »

Hana Elakrouchi

Quand l’islam s’invite dans une maison juive

Qui n’a pas entendu parler de ces belles âmes charitables qui invitent chez elles des réfugiés, venus de loin, très loin, qui ont traversé des périples horribles ? Des récits à nous glacer le sang. Des récits qui nous rappellent notre confort, la chance d’être nés dans un pays avec des droits… J’ai fait de très belles rencontres d’hébergeuses qui accueillent chez elles des personnes ayant traversé, au risque de leur vie, la mer, la misère, la torture, côtoyé la mort, pour arriver en Europe, avec l’espoir d’un avenir meilleur. Ces personnes sont appelées nos amis ou les invités afin de donner un côté plus humain, moins stigmatisant. Je vous livre aujourd’hui une de mes plus belles rencontres. Celle de Karine qui accueille Abdallah. Karine est juive et Abdallah musulman. 

Il arrive que des hébergeurs et hébergeuses n’ouvrent leur porte que le temps d’une nuit ou deux. Ce qui est déjà formidable. Ils permettent à nos amis d’être à l’abri du froid, de la pluie, de la faim et du danger de la police. Ils leur permettent également de prendre une douche, avoir du wifi pour contacter leurs proches, laver leurs vêtements, se confier s’ils le désirent. Ensuite retour au parc ou dans une autre famille d’accueil. 

D’autres accueillent à plus long terme, créant des liens, leur confiant les clés, … et considèrent leur invité comme un membre de la famille. J’ai eu le bonheur de rencontrer ce genre d’hébergeuses. Que vous dire … ? Un don de soi, un partage qui est rare. 

J’ai fait la connaissance de Karine via une autre hébergeuse. Il faudra des mois avant qu’elle ne me confie qu’elle est juive. Après avoir perçu ‘mon ouverture d’esprit et la tolérance’. 

Abdellah, lui, a directement montré sa religiosité. Dans les paroles mais aussi et surtout dans les actes. Malgré les épreuves, il tient fermement à sa foi. Ou plutôt grâce à sa foi, il surmonte les épreuves. Manger halal est une condition sine qua non. Il va jusqu’à lire les étiquettes sur les paquets de biscuits et autres. Il jeûne les lundi et jeudi, le mois de Ramadan, lit le Coran, prie la nuit, ses prières quotidiennes, va à la mosquée, … Dans sa recherche d’emploi, il n’a qu’une seule exigence : faire sa prière à l’heure. Karine me confie qu’il connaît le Coran par cœur et que ses connaissances sont bien maîtrisées. Elle a plusieurs fois tenté de le déstabiliser ou lui poser une colle mais en vain. Il maîtrise. Et elle adore leurs échanges. Il lui explique les similitudes entre les deux religions, les 3 même, lui parle des différents prophètes, …

Une lumière sur le visage

Elle ne comprend pas sa colère contre les caricatures … après tout, ce ne sont que des dessins. Avec émotion, il lui raconte combien le Prophète, pbsl, est sacré, bien plus que notre propre personne. Avec pudeur, elle le comprend maintenant.  Abdallah a une lumière sur son visage qui est très impressionnante. Des paroles douces, qui plaisent à Allah. Et un sourire qui ne le quitte pas. Il marque les petits et les grands.  Karine est folle d’inquiétude pour lui. Elle en a eu des invités mais lui, ce n’est pas pareil, me confie-t- elle. Elle a dépensé des sommes énormes pour sa demande d’asile, pour l’aider à passer en Angleterre, payer les avocats, chaussures, vêtements, pour acheter un scooter, le lancer dans les livraisons Uber, … 

Des cours de Coran donnés dans une maison juive

Elle me confie que Abdellah a un amour pour le Coran tellement immense qu’elle le voit bien l’enseigner. Et il apprécie beaucoup les enfants.  Je lui propose donc un petit job qui allie les deux : il a quelques fois donné des cours de Noraniya[i] à mes enfants ainsi que la correction des sourates. La première fois, ils y sont allés avec des pieds de plombs. Ils sont ressortis de là sous le charme. Eux parlent français, lui l’anglais. Et malgré cela, il a su leur parler, avec le cœur. Ils m’ont dit combien il était doux, attentionné et qu’il ne faisait que sourire… Quand ils se trompaient, il les encourageait, les félicitait. Il n’a aucun revenu mais a refusé que je lui donne des sous…Il le fait pour Allah. Pas possible pour lui de faire payer le Coran.   Karine lui a beaucoup apporté et continue de le faire. Elle s’est parfois arraché les cheveux pour lui. Mais pour rien au monde elle ne le lâcherait. Il fait partie de sa famille maintenant.  Abdallah a permis, avec douceur, patience et fermeté, à cette hébergeuse de comprendre plein de choses, d’éclairer des zones d’ombre, d’instaurer un respect… de faire entrer l’Islam dans une maison juive.  

Fatima J.


[i] La méthode Nourania (القاعدة النورانية) ou al Qaeda Nourania est un système d’apprentissage de la langue arabe aux moyens du Quran. … En résumé, cette méthode offre à l’apprenant un moyen efficace d’apprendre l’alphabet arabe, sa prononciation correcte et les règles du tajwid du Quran par la même occasion.