Comment sera le monde en 2050?

En général, nous avons tous, au moins une fois dans notre vie, réfléchi à ce que sera notre avenir, à ce que nous ferons dans un an ou à ce que nous serons dans une décennie. Mais de là à savoir ce qu’il adviendra de notre monde dans 40 ans, j’avoue que je n’y ai jamais réfléchi. De ce fait, j’ai décidé de prendre ce temps, de me poser et d’entamer quelques recherches.

Je me penche dans un premier temps vers le transhumanisme, je m’aperçois que les idées développées par quelques-uns sont déjà d’actualité. Ce mouvement prônant une nouvelle religion sans Dieu, me donne froid dans le dos, jusqu’à des palpitations cardiaques…

Une des phrases du physicien Freeman Dyson me marque particulièrement : « L’humanité me semble être un magique commencement mais n’aura pas le dernier mot. Nous n’acceptons pas les aspects indésirables de notre condition humaine, nous reconnaissons l’absurdité qu’il y a à se contenter d’accepter humblement les limites dites « naturelles » de nos vies, nous prévoyons que la vie s’étendra au-delà des confins de la terre pour habiter le cosmos.

Pendant que certains projets se travaillent et se concrétisent en amont, on détourne l’homme, on l’occupe à des faits saugrenus. 

Les super bactéries sont reines

C’est tout de même une drôle d’époque que nous venons de traverser. Une période dans laquelle l’homme a été lobotomisé en le poussant encore et encore à l’individualisme :  la distanciation physique, dénoncer son voisin s’il a de la visite, éviter une trop forte densité d’occupants au même endroit, ne sortir qu’avec le sacro-saint masque !  

Tout se dit, se contredit, s’affirme, s’infirme.

Stratégie : diviser pour mieux régner

L’individualisme aura ainsi une place prépondérante dans les années qui arrivent, les êtres humains ne seront plus que des coquilles vides, chacun dans sa bulle, c’est indéniablement l’appauvrissement dans tous les sens du terme. Toutes les croyances religieuses seront impactées, plus qu’une poignée de personnes restera croyante. S’en prendre aux religions, c’est toucher à l’identité de chaque être humain, c’est le couper très souvent de ses racines (je vous renvoie au livre Les identités meurtrières d’Amin Maalouf). 

Sans réellement nous en apercevoir, nous sommes pris dans l’étau d’une nouvelle langue. Une langue qui, par confiscation des mots ou altération et inversion de leur sens, impose insidieusement une pensée prédigérée et exclusive, à la manière de la novlangue de George Orwell dans 1984.

Nous approchons d’une façon spectaculaire de la fin d’une civilisation ET non la fin de l’humanité !

Dérèglement climatique

Certaines régions deviendront inhabitables et nous connaitrons un flux migratoire humain et animal important et déconcertant. Françoise Vimeux, climatologue, évoque « une autre manière de vivre ». « Cela serait un changement brutal, mais ce ne serait pas la fin du monde. La vie a déjà survécu à des catastrophes, l’humanité survivra aussi. » Jour après jour, le changement climatique devient violent et  entraîne à travers toute la planète de gigantesques ravages : inondations, grêle, tornades et températures d’une magnitude inédite. Simple scénario de films catastrophes ? Pas forcément !

Une nouvelle approche pluridisciplinaire

Face à cette évolution et au présage des prochains scénarios, la collapsologie fait son apparition. Il s’agit d’une approche pluridisciplinaire qui s’intéresse à l’effondrement possible de notre civilisation.

Une des méthodes m’a interpellée face à ce défi majeur qui est de savoir comment vivre sur une planète surpeuplée ? Une des étapes primordiales serait de recréer à tout prix les liens tout comme le prophète Mohamed sws a fait dans le but d’apaiser la société, en instaurant une fois entré à Médine un nouvel état, celui d’un vivre-ensemble et permettant ainsi une coexistence pacifique entre les différentes composantes d’une société qui était alors complexe.

2050 sera un nouveau visage de l’humanité avec toute sa complexité comme à chaque période de transitions, l’homme est en perpétuelle évolution, reste à ce qu’il ait un cadre et des limites, un futur qui donne plus de sens en tout cas !

Un scenario, finalement et pas si effrayant que ça  !

La chose sur laquelle je n’ai aucun doute c’est qu’en 2050, si je suis vivante, j’aurais atteint l’âge d’un siècle moins trente ans !

Elakrouchi Hana

Traque aux arnaques des influenceurs sur les réseaux

Drop shipping, cryptomonnaie, paris sportifs, fausses promotions, contrefaçons… Bienvenue dans le monde du e-commerce avec ses avantages mais aussi ses failles ! Beaucoup d’influenceurs, issus pour la majorité de la télé-réalité, sont mêlés à des business permettant aux boutiques en ligne de prospérer très rapidement grâce à leur popularité sur les réseaux.

Depuis quelques semaines, le rappeur Booba tire la sonnette d’alarme contre des pratiques frauduleuses de certains de ces influenceurs qu’il surnomme « influvoleurs » et appelle ainsi la justice à réagir contre ce phénomène en vogue. 

En effet, une querelle est née sur les réseaux sociaux entre le rappeur Booba et Magali Berdah, créatrice et patronne de l’agence « Shauna Events » qui gère les contrats publicitaires de la plupart de ces influenceurs ciblés par Booba. 

Après avoir lancé l’hashtag #influvoleurs, Booba ouvre une boîte mail où il recueille les témoignages des personnes victimes de ces arnaques. Une plainte a aussi été déposée à l’encontre de Magali Berdah qu’il surnomme « la reine de la futilité », pour pratique frauduleuses et escroquerie en bande organisée. 

Quant à Magali, elle a indiqué mener une action en justice contre Booba pour « harcèlement en ligne ». Interrogé par le journal Libération, Booba a dénoncé plusieurs exemples d’escroquerie:  « Il y a des enjeux financiers, des gros sous ! Les influenceurs font de l’argent tellement vite qu’ils n’ont plus aucune notion de la réalité… » « Cette histoire ce n’est pas un clash, c’est une demande de justice pour toutes les victimes… »

Comprendre ce qu’est le drop shipping et l’impact des influenceurs sur les consommateurs…

D’après définitions-marketing.com, le drop shipping est une forme de e-commerce par laquelle le site vendeur ne possède pas de stocks et fait livrer son client directement par son fournisseur sans que le client ne le sache au préalable. 

Depuis peu, ce système de vente a explosé sur les réseaux sociaux grâce à la collaboration des marques avec des influenceurs qui vantent les mérites d’un produit auprès de leur communauté sur Instagram, Snapchat, Tik Tok…

Le but des influenceurs est d’acquérir davantage de followers afin de générer plus d’argent. En effet, plus tu as de followers, plus le produit à promouvoir sera vu et plus l’influenceur pourra négocier son cachet. 

Le but des influenceurs est d’acquérir davantage de followers afin de générer plus d’argent. Crédit: George Milton

Quant à la marque qui met en avant ces produits, c’est une réelle opportunité pour elle car celle-ci sera propulsée sur le devant de la scène et cela lui permettra de générer plus de profits. 

Néanmoins, il faut savoir que la plupart de ces produits bas de gamme sont vendus parfois vingt fois plus cher que leur véritable valeur et sont souvent achetés par de jeunes fans naïfs, qui sont tellement fascinés par ces influenceurs, qu’ils seraient prêts à mettre n’importe quel prix pour ressembler à leurs idoles si parfaites. Ceux-ci profitent de la crédulité des plus jeunes pour s’en mettre plein les poches. D’ailleurs, une des stratégies marketing qu’adoptent certains influenceurs, est de créer une proximité avec leurs fans en partageant leur quotidien, leurs réussites, parfois leurs peines,… Ils créent un climat de confiance entre eux et cette communauté si proche et si abstraite à la fois. Ils les tutoient, les remercient du soutien qu’ils leur apportent au quotidien, les nomment mes amours, mes chéris… Ils les font voyager via leurs stories, à travers le monde, la gastronomie, la mode, leur vie familiale, tout en y glissant subtilement des publicités de produits miracles testés et approuvés. Suivi de cela, un code promo négocié spécialement pour leurs abonnés chéris ! 

Pour la star des réseaux sociaux, Nabilla Benattia qui cumule près de 7,6 millions de followers, certaines marques paient jusqu’à 6000 euros pour une courte vidéo publicitaire. Ce qui lui rapporterait un salaire mensuel proche des 400 000 euros juste pour des placements de produits.   

Aujourd’hui, beaucoup de jeunes rêvent d’avoir le même train de vie que ces pseudos-influenceurs qui sont devenus une véritable source d’inspiration. Les réseaux sociaux ont un impact considérable sur la jeunesse qui sont en décrochage scolaire notamment à cause de ce monde d’illusions exposé en permanence. En effet, certains se disent mais pourquoi faire des études pour ensuite travailler dur alors que je peux me faire de l’argent facilement ? Être influenceur ne nécessite aucun talent particulier finalement ? On fait quelques placements de produits au bord d’une piscine tout en sirotant un bon cocktail et on vit un rêve éveillé… Malheureusement, les jeunes se retrouvent piégés par cette fausse réalité. 

Il y a notamment l’image du corps parfait qui est véhiculé sans cesse et qui forcément incite les jeunes à avoir recours à la chirurgie esthétique. 

Résultat ? Abandon précoce de la scolarité, recours à la prostitution, injection de Botox illicite dont les conséquences sont désastreuses… 

Paris sportifs, les jeunes, cibles principales des influenceurs 

On retrouve les paris sportifs sur toutes les plateformes d’internet. Leur présence accrue sur les réseaux sociaux montre que la cible numéro 1 sont les jeunes. Selon les données de l’ANJ, neuf parieurs sur dix sont des hommes et un sur trois a entre 18 et 24 ans.

Les sites des paris sportifs ont bien évidemment recours à des personnalités ayant une certaine réputation sur les réseaux pour inciter les jeunes à parier gratuitement dans un premier temps, mais ceci mène vite à une dépendance. 

Beaucoup d’influenceurs s’affichent en grosse Berline, montre Rolex au poignet. Ils annoncent des rendements garantis et des gains considérables, des feux d’artifice dans leur vie… Certains influenceurs sans scrupule, sont même prêts à véhiculer des mensonges sur des pronostics gagnants en échange de rémunération. Évidemment, tout ce bing bling n’est que tentation pour les plus jeunes qui rêvent de cette vie fabuleuse ! 

Il faut bien prendre en compte les choses néfastes que peuvent amener ces paris sportifs car malheureusement beaucoup tombent dans une addiction et se retrouvent surendettés. Quant aux mineurs, les parents se retrouvent à devoir rembourser des dettes colossales. Ce fléau va jusqu’à détruire des vies, des familles entières…

Selon le psychiatre Guillaume Hecquet, interrogé par Huffingtonpost.fr : “Généralement, l’addict vient pendant une crise, au moment de ce qu’on appelle, la révélation du jeu, après une période plus ou moins longue de clandestinité. Souvent, les proches viennent de découvrir ses dettes.” 

“Le jeu d’argent est l’une des addictions les plus suicidogènes. Le nombre de tentatives de suicide est 15 fois supérieur à celui de la population normale.”

Dans une vidéo, le youtubeur Riles tire la sonnette d’alarme auprès des jeunes et dénonce l’immense responsabilité des influenceurs et de certaines personnalités publiques qui en font la pub. 

Il ne s’agit pas dans cet article de faire l’amalgame et de pointer du doigt tous les commerces en ligne. Mais dans un monde où les réseaux sociaux ont pris une place importante dans nos vies, où il est difficile de distinguer le vrai du faux, il est essentiel de rappeler aux jeunes mais aussi aux adultes de prendre de la distance avec les contenus véhiculés quotidiennement sur nos écrans ainsi que l’image que les influenceurs nous transmettent via leurs réseaux… 

Il serait plus sage de réfléchir à deux fois avant d’effectuer une transaction en ligne pour un produit dont les mérites sont vendus par des « influenceurs » …

Plus d’infos sur : 

https://www.rtbf.be/article/paris-sportifs-tout-est-bon-pour-attirer-les-jeunes-meme-tiktok-11039828

https://www.francetvinfo.fr/replay-magazine/france-2/complement-d-enquete/complement-d-enquete-clash-fric-et-politique-le-vrai-business-des-influenceurs_5323603.html

I.Senh

Peut-on encore vivre sereinement en France en tant que musulman ?

« Liberté, égalité, fraternité », ces mots définissent les trois valeurs fondamentales de la société française aujourd’hui, et la vie démocratique de manière générale. La liberté ou le droit de vivre librement, libre de toute oppression ou restrictions infondées de la part des autorités, est une valeur fondamentale des sociétés démocratiques. Il en va de même pour l’égalité. Il ne s’agit pas uniquement de traiter d’égal à égal les personnes et de les respecter, mais aussi d’être égal devant la loi. La fraternité (« frère » est la racine du mot) est l’idée d’une solidarité ou d’un partenariat où nous construisons ensemble la société sûre, libre et juste dans laquelle nous désirons vivre. Mais ces valeurs semblent parfois ne pas être appliquées quand il s’agit des musulmans… Analyse. 

Si cette devise a trouvé son origine en France, les valeurs prônées n’étaient pas nouvelles. L’idée est en fait très ancienne. De plus, les valeurs de liberté, égalité, fraternité forment un système de croyances qui a finalement conduit aux traités relatifs à la protection des droits humains que nous connaissons aujourd’hui, tels que la Déclaration universelle des droits de l’Homme, adoptée par les Nations unies en 1948. 

Le prix d’une lutte populaire[3]

Ces valeurs sont nées d’une lutte, lorsque le peuple a cherché à se libérer du joug de la monarchie oppressive pendant la Révolution française. Si le sens littéraire de la devise parle pour lui-même, elle a été vue comme une sorte de « fourre-tout » qui intègre les droits fondamentaux et les libertés des citoyens français (et principalement ceux des hommes, la femme étant reléguée au second plan et n’avait aucune légitimité dans ses droits civiques). Il s’agissait d’un coup dur pour le pouvoir de la monarchie et du clergé.

Ainsi tous les êtres humains sont égaux devant Dieu, et aucun ne devrait se voir priver de droits dont jouissent les autres. Ceci dit, l’Histoire nous révèlent les excès, les dérives et les abus de ces deux mondes (monarchie et clergé). La fraternité laisse aussi suggérer l’importance du sentiment d’appartenir à une lutte commune chez les Français, unis par leurs croyances et leur nationalité.

La devise française aujourd’hui : valeurs obsolètes ?

« Liberté, égalité, fraternité » est toujours la devise de la République française. Mais, aujourd’hui, quel sens à cette devise pour les hommes ? Elle signifie encore de nos jours la même lutte contre les inégalités, les divisions et abus de pouvoir qu’à l’époque de la révolution. Les mots sont les mêmes mais la signification change. On observe notamment que la fraternité a pris un nouveau sens : il ne s’agit pas uniquement d’un attachement au pays, mais aussi à des relations de la vie de tous les jours.

Et comme la France est devenue beaucoup plus mixte depuis l’époque où cette devise a vu le jour, l’égalité est la valeur qui a sans doute subi le changement de sens le plus important.

Et ce parce que les inégalités persistent dans de trop nombreux domaines : inégalités économiques, géographiques, raciales, religieuses. Ce changement de sens suit le cours de l’histoire de la France. Le colonialisme, les deux guerres mondiales, la montée des organisations extrémistes, souvent ancrées dans une forme d’identité religieuse ou culturelle, ont contribué au changement d’interprétation de la devise et de son application. 

Et donc quel avenir pour elle ? 

Il est difficile de savoir. Ceci étant dit, la culture française est bien plus complexe qu’à l’époque. Cela a conduit à une certaine révision de l’interprétation de la devise. Les changements culturels et démographiques influencent aussi la façon dont la devise est comprise. Il est vrai qu’elle reste très importante aux yeux des Français et représente une source de fierté car elle englobe les valeurs d’une France moderne et diverse. Mais les personnes lui prêtent des sens différents. Beaucoup pensent que les valeurs d’égalité, liberté et fraternité s’appliquent dans leur véritable forme à tous les individus.

Aujourd’hui, en France, nous remarquons un climat politique et social alarmant. En effet, le journal indépendant Le Mediaécrit : « s’allier avec l’extrême-droite ou reprendre ses idées ne constituent plus un interdit. (…) Plusieurs lois liberticides organisent une société autoritaire de surveillance et de contrôle (…) ces lois stigmatisent une partie de la population en raison de sa religion[5], d’autres en ciblent en raison de leur activité militante. »[6]

Ce jeu de déstabilisation que certains politiciens et médias aiment à jouer, est le résultat de ce déferlement de « haine » sur une communauté, dont le but ultime est de vivre selon les principes et les valeurs divines auxquels la République française fait écho. 

« Une année 2021 très difficile pour les musulmans en France. C’est le constat de l’European Islamofobia Report qui réunit plusieurs instituts et experts analysant l’évolution de l’islamophobie au sein de 31 pays. »[7]

Dans le dernier rapport publié par les 37 militants et experts de cette organisation, la France est pointée du doigt pour, entre autres, sa loi anti-séparatisme notamment pour « son caractère liberticide et répressif ». Le rapport cite surtout l’augmentation des actes islamophobes dans le pays en 2021.

L’incertitude économique pourrait bien perdurer et cela pourrait renforcer l’importance donnée à l’identité individuelle (montée des groupes extrémistes) si le peuple ne se lève pas contre les injustices, cela contribuera sans doute à créer un fossé entre le sens donné à cette devise pendant la révolution et le sens qu’on lui donnera à l’avenir…

Najoua

[2] Devise de la France, formulé par Maximilien de Robespierre lors d’un discours, au 18 ieme siècle, et inscrite dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en 1789.

[3] Image akg-images. Révolution française 1792-97.

[4] Site defenseurdesdroits.fr

[5] Pour en savoir plus, un article du magazine Musulmans en France sur le site musulmansenfrance.fr sur la loi « séparatisme ».

[6] Lemediatv.fr- article « le 12 juin, marchons contre l’extrême-droite et pour nos libertés », 8 juin 2021.

[7] Article tiré du site algeria-watch.org, publié sous le titre « Peut-on encore vivre sereinement en France en tant que musulman ? » écrit par la journaliste Soraya Amiri le 22 septembre 2022.  

L’Exécutif des Musulmans de Belgique, privé de reconnaissance mais laquelle? 

Il y a quelques semaines, le vice-premier ministre et ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne (Open VLD) a procédé au retrait de la reconnaissance de l’Exécutif des Musulmans de Belgique. Une reconnaissance officielle donc, de l’État. Mais sur le terrain, les musulmans eux-mêmes ne semblent jamais avoir totalement reconnu cet organisme censé les représenter. Retour sur les origines de cet organe contesté.

Alors que les premiers immigrés (en provenance principalement du Maroc) ont foulé le sol belge dès 1956, ce n’est que près de 20 ans plus tard, en 1974 que le culte islamique est officiellement reconnu en Belgique, devenant ainsi le  premier pays européen l’inscrire dans la loi. Au départ, l’État belge fait du Centre islamique son principal interlocuteur en raison notamment des considérations diplomatiques mais très vite se pose la question de la représentativité des musulmans belges. A la fin des années 80, le Commissariat royal à la politique des immigrés lance alors l’idée d’une procédure électorale. 

Une première élection refusée

Organisées sous la houlette du Centre islamique, ces premières élections, pour constituer un Conseil supérieur des musulmans, n’aboutiront pas. Le gouvernement refuse de reconnaître le Centre comme interlocuteur. « En avril 1990, 30 000 musulmans étaient inscrits sur les listes électorales tenues par les mosquées et le Conseil devait être installé en mai 1990. Plusieurs démarches furent effectuées par le gouvernement et par le Commissariat royal pour tenter d’arrêter ce processus. Faisant valoir qu’ils n’avaient nullement mandaté le Centre islamique et culturel, ils annoncèrent que la Belgique ne se considérerait pas liée par les résultats du scrutin. Le nouvel imam-directeur du CIC, Sameer Ar Radhi, estimait quant à lui que l’élection relevait uniquement du domaine religieux, et ne concernait en aucune manière le gouvernement, puisque la Constitution belge interdit à l’État d’intervenir dans les affaires religieuses » explique Caroline Sagesser, islamologue, dans un article publié pour le Cairn.info.

L’Exécutif : un manque de reconnaissance dès le départ

Le gouvernement reprend alors la main et constitue un Conseil supérieur des sages mais les mosquées refusent de lui accorder leur confiance. « Le problème fut sorti de l’impasse par la constitution en 1998 d’une Assemblée de 68 membres, dont trois quart étaient élus et un quart coopté, et qui fut chargée de désigner en son sein un Exécutif des Musulmans. La composition de cet Exécutif était conçue pour refléter les différentes nationalités d’origine présentes dans le pays » analyse Caroline Sagesser. Son rôle devait être transitoire: préparer la création d’une instance représentative et consensuelle. Elle émet principalement des avis concernant les différentes questions relatives à la communauté islamique : l’enseignement de la religion islamique, représentation dans les prisons et les hôpitaux… Mais la principale critique formulée à l’égard de cet exécutif concerne ses membres et l’absence d’autorité religieuse : ni savants (docteurs de la loi, théologiens), ni imams ne sont élus au sein de l’organisme. « Cette critique à l’égard du manque de compétence religieuse de l’organe représentatif restera vive au sein du tissu associatif musulman jusqu’à aujourd’hui. Elle demeure l’une des raisons de la méfiance exprimée par les mosquées à l’égard de l’actuel Exécutif des Musulmans » pointe l’islamologue. 

L’Exécutif des Musulmans est né

L’assemblée des 68 membres propose alors au ministre de la Justice une liste de candidats composée de 17 élus : 7 Marocains, 4 Turcs, 3 personnes appartenant à une autre nationalité et 3 convertis. Un seul membre est refusé suite à un avis défavorable de la Sûreté de l’État. Un contrôle de sécurité avait été opéré pour éviter que l’organisme soit infiltré par des radicaux, la crainte concernait d’éventuels liens avec le GIA. L’Assemblée refusa de présenter un autre candidat et la composition de l’Exécutif fut donc limitée à 16 personnes. Le nouvel Exécutif prend officiellement ses fonctions le 1er juin 1999. « Le traitement de l’islam est doublement spécifique. D’une part, c’est le seul culte dont l’organe représentatif découle d’une élection au suffrage universel des fidèles. D’autre part, la procédure appliquée à partir de la fin des années 1990 fut largement influencée par des motifs sécuritaires, ce qui conduisit à avoir vis-à-vis de l’islam des exigences qu’aucun autre culte ne s’était vu imposer. La définition stricte des conditions de participation à l’élection et d’éligibilité à l’organe chef de culte islamique (y compris une condition de connaissance linguistique et une condition de diplôme) pouvait déjà être considérée comme une marque d’ingérence de la part des pouvoirs publics. L’une des conditions d’éligibilité consistait en la signature d’une déclaration d’allégeance à la Constitution belge. Par ailleurs, la procédure de screening des candidats à l’Exécutif constituait elle aussi une forme d’ingérence dans l’organisation du culte islamique. »

De nombreuses dissensions

Très vite, l’Exécutif fut confronté à des tensions tant externes qu’internes. En janvier 2001, l’Assemblée émit un vote de défiance à l’égard de l’Exécutif dont elle réclama et obtint la démission. Une nouvelle équipe prit le relais mais là encore des tensions apparurent. C’est sous le mandat de Laurette Onkelinckx, alors ministre de la Justice en 2005, qu’eurent lieu de nouvelles élections. Par la suite, l’exécutif sera secoué par plusieurs crises, et les démissions seront nombreuses à la suite de votes de défiance de l’assemblée. In fine, l’organisme n’a jamais totalement reçu le soutien ni des politiques, ni des musulmans qu’il est censé représenté. Un organe critiqué, dont le rôle reste flou pour de nombreux fidèles. Si le ministre de la Justice a officiellement retiré sa reconnaissance à l’Exécutif en ce début d’année,  les musulmans l’ont-ils un jour reconnu ?

H.B.

Le Dictateur, briser le silence pour faire entendre sa voix

Ce film retrace l’histoire de deux personnages principaux : un modeste petit barbier juif qui vit dans le ghetto et Adenoïd Hynkel, le dictateur et chef d’état de Tomania. Tous les deux (interprétés par l’acteur Charlie Chaplin lui-même) mènent des vies totalement opposées. L’histoire prend une tournure intéressante lorsqu’on s’aperçoit que ce petit barbier ressemble physiquement au dictateur Hynkel…

Faire parler le personnage de Charlot était risqué car il a connu le succès sous le cinéma muet. C’est pourquoi l’acteur a longuement hésité à produire un film parlant. Alors pour « briser le silence », et grâce à son personnage fétiche, Chaplin fera passer ses réflexions sur cette époque difficile que fut la seconde guerre mondiale. Il fera, à juste titre, une comparaison de vie entre ces deux personnages et mettra en scène l’abrutissement de l’idéologie nazie du dictateur Adolf Hitler.

La réception du film a été très mitigée, et dans certains pays comme la France, la Serbie, l’Espagne, l’Amérique latine et bien évidemment l’Allemagne, sa diffusion est tout simplement interdite. Il faudra attendre la fin de la guerre pour que le film trouve son public et devienne un succès populaire et un monument cinématographique. Le Dictateur est aujourd’hui un des films les plus cultes de tous les temps.

1940, The Great Dictator[1]. Sortie du premier film parlant de l’acteur et réalisateur Charlie Chaplin à New York.

Mais il y a une scène qui transcende par-dessus tout le message du film. Cette scène, c’est bien évidemment le discours final[1], dont on vous propose de profiter :

Herr Garbitsch, ministre de l’intérieur et ministre de la propagande prend la parole devant un peuple conquit par l’armée de Hynkel, dictateur de Tomania:

« La victoire vient aux hommes qui la mérite! Aujourd’hui, les mots démocraties, liberté et égalité ne servent qu’à duper les peuples. Aucune nation ne progresse avec ce genre d’idées, elles arrêtent toutes formes d’actions, c’est pourquoi nous avons décidé de les abolir. A l’avenir, nous demandons à tous les citoyens de servir l’état avec l’obéissance la plus aveugle. Nous n’accepterons le refus de la part de personne. Nous retirons les droits de citoyenneté à tous les juifs et aux autres non aryens[2]. Ils sont inférieurs, et comme tels des ennemis de l’état. C’est un devoir pour les vrais aryens de les haïr et de les mépriser. Dorénavant cette nation est annexée à l’empire de Tomenia et le peuple de cette nation devra obéir aux lois tomanienne établies par notre grand chef, le dictateur de Tomenia, le conquérant de l’Osterlish, le futur empereur du monde. »

Et le barbier, qui a été pris pour Hynkel, lance un appel à la paix, en répondant ainsi :

 « Je suis désolé, mais je ne veux pas être empereur, ce n’est pas mon affaire. Je ne veux ni conquérir, ni diriger personne. Je voudrais aider tout le monde dans la mesure du possible, juifs, chrétiens, païens, blancs et noirs. […] Dans ce monde, chacun de nous a sa place et notre terre est bien assez riche pour nourrir tout le monde. Nous pourrions tous avoir une belle vie libre mais nous avons perdu le chemin. L’avidité a empoisonné l’esprit des hommes, a barricadé le monde avec la haine, nous a fait sombrer dans la misère et les effusions de sang. Nous avons développé la vitesse pour finir enfermés. Les machines qui nous apportent l’abondance nous laissent néanmoins insatisfaits. Notre savoir nous a rendu cyniques, notre intelligence, inhumains. Nous pensons beaucoup trop et ne ressentons pas assez. Etant trop mécanisés, nous manquons d’humanité. Etant trop cultivés, nous manquons de tendresse et de gentillesse. Sans ces qualités, la vie n’est plus que violence et tout est perdu.[…] Je dis à tous ceux qui m’entendent : Ne désespérez pas ! Le malheur qui est sur nous n’est que le produit éphémère de l’avidité, de l’amertume de ceux qui ont peur des progrès qu’accomplit l’Humanité. Mais la haine finira par disparaître et les dictateurs mourront, et le pouvoir qu’ils avaient pris aux peuples va retourner aux peuples. Et tant que les hommes mourront, la liberté ne pourra périr. Soldats, ne vous donnez pas à ces brutes, ceux qui vous méprisent et font de vous des esclaves, enrégimentent votre vie et vous disent ce qu’il faut faire, penser et ressentir, qui vous dirigent, vous manœuvrent, se servent de vous comme chair à canons et vous traitent comme du bétail. Ne donnez pas votre vie à ces êtres inhumains, ces hommes-machines avec des cerveaux-machines et des cœurs-machines. Vous n’êtes pas des machines ! Vous n’êtes pas des esclaves ! Vous êtes des hommes, des hommes avec tout l’amour du monde dans le cœur. Vous n’avez pas de haine, seuls ceux qui manquent d’amour et les inhumains haïssent. Soldats ! ne vous battez pas pour l’esclavage, mais pour la liberté !

Il est écrit dans l’Evangile selon Saint Luc « Le Royaume de Dieu est au dedans de l’homme », pas dans un seul homme ni dans un groupe, mais dans tous les hommes, en vous, vous le peuple qui avez le pouvoir : le pouvoir de créer les machines, le pouvoir de créer le bonheur. […] Alors, battons-nous pour accomplir cette promesse ! Il faut nous battre pour libérer le monde, pour abolir les frontières et les barrières raciales, pour en finir avec l’avidité, la haine et l’intolérance. Il faut nous battre pour construire un monde de raison, un monde où la science et le progrès mèneront vers le bonheur de tous. Soldats, au nom de la Démocratie, unissons-nous ! »

Le Dictateur est un film de deux heures à découvrir ou à redécouvrir. Une grande leçon d’humanité, qui trouve écho en ces temps difficiles que nous vivons aujourd’hui. Est-ce que l’Histoire se répète ? Quand prendrons-nous conscience des leçons de notre passé ?

Najoua


[1] Titre original du film de Chaplin. Il peut être visionné sur des plateformes comme Netflix et autres sites de cinéma. Sortie en 1945 en Belgique et en France.

[2] Tiré du site Dailymotion : Charlie Chaplin-discours dans le « Le dictateur » -1940 ! de Syl20.

[3] Aryens ou Arya est un terme qui signifie « noble » qui a été utilisé comme autodésignation par les Indo-Iraniens. C’est sous l’Allemagne nazie que ce terme fera surface au début du XXième siècle.

Carnet de voyage: Istanbul, la multiculturelle

A la croisée de la Corne d’Or, du Bosphore et de la mer de Marmara, se trouve Istanbul, l’une des villes les plus touristiques d’Europe. Elle est visitée chaque année par des millions de personnes. Elle est aussi la capitale culturelle et économique de la Turquie. A cheval sur deux continents, l’Europe et l’Asie, antique et moderne, religieuse et laïque, aux influences européennes et du Moyen-Orient, on ne peut que tomber sous le charme de cette ville dont les contradictions lui donnent toute son authenticité. Découverte.

Marquée par la succession de trois empires, Istanbul renferme les vestiges d’une histoire plurimillénaire. Elle a été Byzance, la nouvelle Rome, puis Constantinople, la capitale de l’empire ottoman. Fondée en 330 après J.C. par Constantin, la petite ville connaît un développement rapide. Pendant près de 1000 ans, Constantinople constitue la ville la plus opulente et la plus puissante du monde chrétien. En 1204, pourtant chrétienne, la ville sera dévastée par les croisés.[1] Elle attire aussi la convoitise de ses voisins ottomans qui tenteront à plusieurs reprises de la faire plier alors que ses murailles sont dites imprenables…

1453: prise de Constantinople

Après plusieurs tentatives infructueuses, en 1453, un jeune sultan, Mehmet II change le cours de l’histoire en s’emparant de la ville à la suite d’un siège. Il aura fallu six semaines de bombardements incessants pour la faire plier. Le 29 mai 1453, l’assaut final est donné par les Turcs. Quelques heures plus tard, Mehmet II entre dans la ville conquise et se rend à l’église Sainte-Sophie, dite Haghia Sophia (ou encore Ayasofia en turc). Elle sera rapidement transformée en mosquée. Quatre minarets ont été ajoutés et les icônes ont été recouvertes. En 1934, un décret de Mustafa Kemal transforme la basilique en musée. En 2020, le président actuel Recep Tayyip Erdogan décide de lui redonner le statut de mosquée non sans susciter de nombreuses critiques du monde occidental.

Istanbul, ville touristique

Aujourd’hui, la richesse de son histoire attire les touristes du monde entier. En pleine saison estivale, les rues étroites sont animées à tout moment de la journée, notamment causé par le flot ininterrompu des touristes qui se pressent pour admirer les nombreux monuments : que ce soit la mosquée bleue (ou mosquée Soulayman), Ayasofia (Sainte-Sophie), le palais de Topkapi qui renferme les vestiges de l’empire ottoman, et certains effets personnels du Prophète[2] ou encore la traversée du Bosphore qui sépare deux continents. En 1985, la ville est d’ailleurs classée au patrimoine mondial de l’Unesco.

Le Bosphore relie deux continents, l’Europe et l’Asie

Dans les dédales des rues pavées (d’ailleurs loin d’être idéal pour les balades en poussette…) les chats et les chiens errants sont nombreux. Ils sont soignés et vaccinés par la ville, ce qui leur permet de se balader aisément ou de piquer un petit somme sur les terrasses des cafés sans jamais être chassés. L’influence de la religion musulmane se fait ressentir à travers l’appel à la prière qui retentit cinq fois par jour, et la fermeture des sites (Ayasofia et la mosquée bleue) aux heures de prière.

Les artères commerçantes sont grouillantes, l’ambiance y est parfois étouffante et la circulation chaotique où les coups de klaxon et les coups de sang des chauffeurs de taxi sont légion… les restaurants et les commerces d’épices se succèdent, enveloppant les passants d’une infinité d’odeurs, de saveurs et de couleurs.

Les commerces d’épices enveloppent les passants d’une infinité d’odeurs, de saveurs et de couleurs.

Pour les amateurs de shopping, un détour par le Grand Bazar est l’étape incontournable de ce voyage. A l’intérieur, c’est la découverte d’un monde à part : le plus grand centre d’achat au monde est un labyrinthe où se succèdent les commerces d’antiquités et d’artisanat, de lampes, vaisselles, vêtements, tapis, thés, pâtisseries… de quoi vous donner le tournis. La négociation n’est pas une option si vous ne voulez pas y laisser tout votre budget de vacances.

A l’heure du soleil couchant, le paysage est recouvert d’une lueur dorée…

A l’heure du soleil couchant, le paysage dominé par les minarets des mosquées est recouvert d’une lueur dorée lui conférant une atmosphère magique. Sur le pont de Galata, les pêcheurs jettent leur ligne dans les eaux à la recherche des anchois et autres sardines. Ici, la vue d’Istanbul est inoubliable. Les deux mosquées Soulayman et Ayasofia dominent le paysage, au loin la tour Galata surplombe elle aussi l’horizon. Quiconque voyage à Istanbul ne peut rester insensible aux charmes de cette ville tout en contraste, un dépaysement assuré où les trésors se dévoilent à chaque coin de rue. 

H.B.


[1] Chevalier chrétien occidental

[2] Paix et Bénédictions d’Allah sur lui

Une immigration marocaine

Le patrimoine mondial de l’UNESCO a été octroyé à quatre sites miniers wallons dont celui du Grand-Hornu (Mons), celui du Bois-du-Luc (La Louvière), du bois du Cazier (Charleroi) et de Blegny-Mine (Liège) il y a exactement dix ans, ce vendredi 1er juillet 2022.[1] Cette reconnaissance de l’UNESCO nous replonge dans l’histoire de la Belgique et plus particulièrement celle de l’après-guerre. Mais elle nous replonge également, entre autres, dans l’histoire de l’immigration marocaine en Belgique. Les descendants de cette immigration, vieille de plus de 50 ans, les Marocains de Belgique, présentent aujourd’hui d’un point de vue démographique la minorité ethno-culturelle d’origine étrangère la plus importante du pays[2]. Cette histoire, bien trop peu connue mais pourtant fondamentale mériterait sa place dans les livres scolaires. Mais afin de la comprendre et d’en connaître les jalons, replongeons dans l’après-guerre.

Après la deuxième guerre mondiale, la Belgique est dévastée et doit être reconstruite. Elle se lance alors dans une nouvelle bataille : la fameuse « bataille du charbon ». La Belgique est riche en charbon, « l’or noir ». Après la Seconde Guerre mondiale, l’industrie minière belge est à son apogée mais voit sa population refuser de travailler dans les mines de charbon. Le travail y est trop pénible et surtout très dangereux.

Le patronat se retrouve face à une pénurie de main d’œuvre. Après des tentatives mal accueillies d’envoyer dans les mines des prisonniers de guerre allemands, puis des inciviques[1], la Belgique se tourne alors vers des pays exportateurs de main d’œuvre étrangère poussée par les milieux patronaux. Le gouvernement signe alors des accords avec des pays étrangers dont l’Italie. Ces deux gouvernements signent un protocole le 20 juin 1946 : pour tout travailleur italien qui descendra dans une mine en Belgique, 200 kg de charbon par jour et par tête seront livrés à l’Italie.[2] Cet accord est surnommé « des hommes contre du charbon ».[3]

Mais la catastrophe de Marcinelle le 8 août 1956 et la mort de 262 victimes dont 136 Italiens dans un incendie remettent en cause les accords belgo-italiens. L’Italie décide alors de mettre fin à toute immigration dans les mines européennes.

La convention belgo-marocaine entre en vigueur lors de sa ratification le 17 février 1964

Le Maroc, pays exportateur de main d’œuvre

La Belgique se tourne vers d’autres pays exportateurs de main-d’œuvre hors Europe dont le Maroc. La situation du Maroc est particulière. Une stagnation économique, sociale et politique laisse le pays dans un état de sous-développement, se traduisant entre autres par une production agricole insuffisante et une population croissante générant inactivité et sous-emploi. Cet accord avec la Belgique se veut être un soulagement de la situation sociale du Maroc et un moyen d’expansion économique de la Belgique. Le Maroc pratique alors une politique d’immigration basée sur un concept marchand. L’objectif est alors d’exporter un maximum de travailleurs afin que ceux-ci rapportent un maximum de devises.

Mais il faudra attendre 1962 pour envisager une convention officielle entre les deux pays. Des fonctionnaires seront alors désignés par l’ambassade belge à Rabat pour recruter les candidats sur place au Maroc. Des centres régionaux subventionnés sont mis en place et dont le rôle sera d’octroyer des permis de travail aux travailleurs marocains. Dans un premier temps, une correspondance s’établira dans laquelle on soulignera trois termes : pénurie, urgence et recrutement. Le patronat charbonnier a besoin d’un grand nombre de travailleurs. Cet accord s’axe donc plus sur l’aspect économique en oubliant l’aspect social et culturel de ces nouvelles recrues fraîchement débarquées. Dans un second temps, les autorités belges soumettent un projet de convention et le gouvernement marocain ne cache pas son désir de faciliter l’émigration.

La convention belgo-marocaine entre en vigueur lors de sa ratification le 17 février 1964 mais ne sera publiée dans Le Moniteur belge que bien plus tard, en 1977. Cette convention est valable pour une période d’un an avec la possibilité d’être reconduite chaque année. On voit se dessiner les prémices d’une immigration dont le cadre légal était encore en construction. Durant trois années, de 1962 à 1964, la situation de la Belgique est telle que les autorités belges négligent le principe d’autorisation et régularisent même des Marocains arrivés comme « touristes ».

Mais que deviennent ces candidats travailleurs ? Qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? Qu’adviendra-t-il d’eux perdus dans l’obscurité de ces mines de charbon ? La suite au prochain épisode…

O.D.


[1]    http://connaitrelawallonie.wallonie.be/fr/histoire/timeline/20-juin-1946-des-hommes-contre-du-charbon#.YsNUeS3pNxg

[2]    http://connaitrelawallonie.wallonie.be/fr/histoire/timeline/20-juin-1946-des-hommes-contre-du-charbon#.YsNUeS3pNxg

[3]    http://connaitrelawallonie.wallonie.be/fr/histoire/timeline/20-juin-1946-des-hommes-contre-du-charbon#.YsNUeS3pNxg


[1]    https://www.rtc.be/video/info/patrimoine/blegny-mine-10-ans-d-inscription-au-patrimoine-mondial-de-l-unesco-_1513103_325.html

[2]    https://fr.wikipedia.org/wiki/Marocains_en_Belgique

Des ruches au coeur de la ville

Hafid Jouhri est travailleur social, employé par la commune de Forest, il allie parfaitement ses deux passions : les abeilles et l’accompagnement des jeunes. Sa passion pour le miel s’est révélée tardivement à lui. C’est lors d’une rencontre fortuite que l’apiculteur découvre le monde des butineuses.

« Je suis travailleur social à la base, mon métier c’est d’accompagner les jeunes dans des activités structurelles qui tournent notamment autour de l’environnement » explique l’apiculteur. Il y a 9 ans, alors qu’il se trouve au potager Wiels, il découvre une ruche installée par un particulier. « Tout de suite, j’ai été attiré. Mais je voyais bien que le bonhomme avait la mine déconfite. En le questionnant, j’apprends que la ruche a été saccagée… Je connais bien les jeunes qui « trainent au potager, des jeunes qui sont en totale opposition. En discutant avec eux, je leur explique le rôle de la ruche, des abeilles… Des abeilles qui sont d’ailleurs évoquées dans le coran… Je touche un point sensible et aiguise leur curiosité. Ils acceptent de rencontrer le monsieur et d’aller à la découverte de ce monde incroyable des abeilles » se souvient Hafid. Les jeunes sont attirés et écoutent attentivement les explications de l’apiculteur mais ils ne sont pas les seuls, Hafid Jouhri boit littéralement ses paroles. Il décide de se former au métier d’apiculteur et depuis près de 10 ans, Hafid a installé une dizaine de ruches à Bruxelles. Son asbl Api Bee propose également des initiations et des visites de la ruche aux écoles, aux associations mais aussi aux particuliers.

Le miel, ce précieux nectar

Les vertus du miel sont connues depuis la nuit des temps. Et pourtant, ce précieux nectar n’est pas prisé pour ses vertus médicinales mais souvent pour sa gourmandise sucrée. « Un miel se compose grosso modo de 78% de sucres (saccharose, fructose…), 2% d’antibiotiques, 18% d’eau et 2% de divers (pollen…). Si vous souhaitez profiter des 2% d’antibiotiques, il ne faut pas chauffer le miel auquel cas les vertus médicinales disparaissent. Le mieux est de manger son miel à la cuillère et ensuite de boire sa tisane par exemple, ou alors, et c’est une tradition prophétique, dans de l’eau tiède mais jamais chaude » révèle Hafid. Par ailleurs, le miel se bonifie au contact d’autres produits. « Le miel et le citron par exemple, si vous souhaitez une boisson énergisante, une cuillère à soupe de miel, le jus d’un demi citron et de  l’eau tiède, le miel devient un antioxydant, une sorte d’ « antivieillissement » au contact de la cannelle, ou encore allié à l’ail ! » confie l’apiculteur qui ajoute « le miel peut aussi être utilisé en cataplasme : le miel sur la peau après une brûlure, c’est très efficace, en 10 secondes, vous ne ressentez plus la douleur, je vous parle d’expérience, contre l’acné aussi. Le miel de châtaignier et de thym sont les plus cicatrisants, tous les miels sont bons pour les voies respiratoires, pour les voies digestives. Même les diabétiques peuvent consommer du miel mais on les orientera vers les miels d’acacia ou de châtaignier car plus riches en fructose ».

L’abeille dans le coran, un miracle

Dans la sourate les abeilles, les versets 68 et 69 ont été étudiés de près par Hafid Jouhri. « Ils contiennent deux miracles à mon sens. Dans le premier verset, Allah s’adresse à l’abeille, dans la traduction en français, on ne peut pas déceler la justesse du propos car en arabe Allah s’adresse à l’abeille en utilisant le pronom féminin. Alors que l’on a découvert que l’abeille était une femelle seulement au 19 siècle… Dans le second verset, Allah parle des ventres de l’abeille… » analyse l’apiculteur. En effet, l’abdomen ou ventre de l’abeille est divisé en six ou sept segments selon la fonction de l’abeille. De même, la forme hexagonale est la meilleure forme possible pour stocker le miel nous apprend l’apiculteur. « Les scientifiques expliquent que s’ils avaient à choisir la meilleure forme pour stocker le miel, la forme hexagonale est la meilleure car elle permet à la fois de stocker et de contenir le miel qui est lourd ».

Api Bee propose des initiations et des visites de la ruche aux écoles, aux associations mais aussi aux particuliers.

Une micro-société

Les abeilles ont leur propre moyen de communication, elles se reconnaissent également et peuvent aussi remplacer une reine qui n’est pas performante. « Elles nous apprennent beaucoup : l’esprit de fraternité, de solidarité, le partage, elles travaillent pour la colonie jusqu’à la mort. Une abeille a 800 km au compteur ! Elles évoluent avec l’âge et changent de poste (nourrice, butineuse…). Pour une cuillère à café de miel, l’abeille va accomplir 5000 voyages ! Et pour un pot, elle devra parcourir la distance de la terre ! Elles sont en quelque sorte nos sentinelles, quand les abeilles vont mal, c’est que ça va mal… » conclut Hafid.

H.B.

Pour en savoir plus

Hafid Jouhri

Api Bee

0487430449

Qu’est-ce que tu fais pour les vacances?

Un temps suspendu, les pieds sur le sable chaud, un regard sur une mer qui appelle à s’y plonger, un corps langoureusement détendu et une sensation de jouissance bien méritée… C’est l’idée même que nous nous faisons des vacances. C’est pourquoi, elles sont très souvent associées à un temps de repos, de farniente… sous le soleil bien évidemment ! Pourtant, à l’origine, les vacances dans l’Histoire n’avaient pas du tout cette évocation d’oisiveté ou d’inaction.

D’après le dictionnaire Larousse, le mot vacance est un nom féminin et désigne le temps pendant lequel une charge, une place, un poste est momentanément dépourvu de titulaire. Par exemple, la vacance d’un siège au Sénat (dans le sens de vacuité). Et dans le sens commun, le mot au pluriel vacances désigne la période d’arrêt légal de travail dans les écoles, les universités, fixée selon un calendrier précis, ainsi que pour les salariés. Aujourd’hui, les vacances symbolisent très souvent la notion de liberté et de « droit à la paresse ». Cependant, l’Histoire nous montre que le mot vacance a eu un sens originel bien défini et n’exprime pas la notion d’inactivité ou de « traîne-savate ».

La petite Histoire des vacances

Dans la tradition chrétienne, Dieu, après avoir achevé la création du monde, se consacra au septième jour au repos. Dans l’Antiquité, les plus fortunés partageaient leur temps entre leur résidence dans la cité et celle bâtie dans la campagne pour fuir les grosses chaleurs de la ville.

Au Moyen-Âge, on désignait cette période (de juillet à octobre) pour se consacrer aux moissons et aux vendanges. Loin d’être un temps de tout repos, l’ordre du jour était au labeur. La majorité de la population y consacrait « ses vacances ». De plus, l’Eglise réglementait les temps libres pour inciter aux recueillements, aux prières et aux pèlerinages religieux.

Au XIXème siècle, l’aristocratie se complaisait dans des résidences secondaires afin d’y passer un temps de repos consacré à leur bien-être, en mer ou en montagne où le climat était plus agréable. Notons qu’à cette époque, les premières revendications syndicales pour une période de vacances annuelles vont émerger. Sous Napoléon III, les fonctionnaires furent les premiers à en bénéficier à la suite d’un décret : les congés payés apparaissent.

Au XXème siècle, le concept de vacances va se propager dans toute l’Europe occidentale.

« Les congés payés sont une innovation… allemande datant du début du 20 ième siècle. Contrairement aux idées reçues, la France n’a pas été en avance sur son temps concernant les congés payés. Avant leur création, des pays comme l’Allemagne, la Pologne, la Norvège ou le Brésil avait déjà instauré cet acquis social dans leur pays ! (…) le nombre de congés payés varie avec le temps mais aussi la géographie. »[1]

Quelques évènements historiques

– En 1900 : en France, les ouvriers du métro parisien (le Métropolitain) seront les premiers à bénéficier d’un congé de 10 jours. En Angleterre, au début, seul les femmes et les mineurs d’âge avaient droit à un congé de 6 jours; ce concept se propagera dans les usines britanniques sous couvert d’accord passés entre les ouvriers et les industriels.

– En 1920 : le secteur automobile belge va instaurer quelques jours de congés aux ouvriers.

– En 1921 : en Allemagne, les ouvriers et les employés obtiennent à leur tour des congés payés.

– En 1925 : en Belgique, le ministre des chemins de fer Edouard Anseele (de 1925 à 1927) attribuera 8 jours de congés aux cheminots.

– En 1936 : la France et la Belgique vont, sous la pression de grèves sauvages, accorder ce fameux droit aux congés payés.

– En 1938 : ce droit est étendu à tous les secteurs de travail.

– En 1947 : le pécule de vacances (qui fut accordé pour la première fois en 1937) sera doublé car insuffisant pour l’ensemble de la population active.

Peu à peu, la notion de vacances va prendre un autre tournant dans la pensée commune de la population. En effet, l’idée de liberté individuelle et de droit à l’oisiveté n’était pas du tout un concept du passé, mais plutôt une notion moderne :

« La loi des congés payés (…) devait instaurer la grandeur et la dignité humaine des travailleurs (…) en donnant une place dans leur vie aux préoccupations intellectuelles, civiques et morales (…), connaitre le monde avec ses beautés naturelles, ses richesses artistiques, ses manifestations diverses du génie humain… » [2]

Photo de Jou00e3o Vu00edtor Heinrichs sur Pexels.com

Dis-moi ce que tu fais en vacances et je te dirais qui tu es…

Se dorer la pilule au soleil, plonger ses pieds dans l’eau claire, siroter une boisson rafraichissante en contemplant un coucher de soleil, sentir le sable chaud sous nos pieds, ne rien faire et laisser le temps s’écouler comme le sable fin entre nos mains. Tant d’images nous viennent dès que nous pensons aux vacances. Cependant, cette symbolique du « vide »[3] nous interroge sur notre manière de concevoir notre relation entre le travail et le temps de « loisirs ».[4]

D’un point de vue sociologique, pour beaucoup d’entre nous, le vrai repos rime avec ailleurs. Nous recherchons le dépaysement, l’aventure à découvrir dans d’autres destinations. Le délassement au bord d’une plage ou l’aventure dans des activités sportives sont les finalités principales lorsque nous ressentons le besoin de partir afin de retrouver une sensation de liberté ou de couper avec son quotidien.

« Le loisir est un ensemble d’occupations auxquelles l’individu peut s’adonner de plein gré soit pour se détendre, soit pour se divertir, soit pour développer par son information ou sa formation désintéressée, sa participation sociale volontaire ou sa libre capacité créatrice après s’être dégagé de ses obligations professionnelles, familiales et sociales. »[5]

C’est ce que Joffre Dumazedier[6] va appeler les 3 finalités du loisir, les 3D :

– Délassement. Il permet le repos physique suite à une fatigue et au surmenage.

– Divertissement. Il permet de ne pas s’ennuyer à travers des jeux, du sport ou des sorties.

– Développement. Il permet le développement de la personnalité et de participer à l’évolution de la société en se formant à de nouvelles connaissances.

L’écrivain s’interroge sur la relation entre travail et loisir dans un contexte où le progrès nous permet d’avoir du temps à consacrer à autre chose qu’à nos contraintes. Ce temps est précieux, pour Dumazedier. En effet, il permet d’accéder à une culture de la connaissance et du développement intellectuel des individus. « Travailler plus pour gagner plus » est une pensée que Dumazedier réfute fermement. Selon lui, la vie n’est pas une recherche constante de capital : l’équilibre entre le temps contraint (travail) et le temps choisi (loisir) est la clé d’une vie saine et bien remplie.

Le point de vue philosophique

En règle générale, nous attendons avec impatience que nos vacances nous divertissent. Ainsi, remplir le temps libre dépendra de nos objectifs personnels ou de la finalité de nos loisirs.

« Rien n’est si insupportable à l’homme que d’être complétement tranquille, sans passion, sans affaires, sans divertissement, sans étude. Il ressent alors son néant, son abandon, son insuffisance, sa dépendance, sa faiblesse, son vide. Aussitôt surgiront du fond de son cœur la lassitude, la morosité, la tristesse, l’irritabilité, le dépit, le désespoir. »[7]

Selon Pascal[8], l’homme n’aime pas l’ennui ou le vide, il doit, pour sa « survie » occupé son temps. Mais, l’idée de le remplir par une surconsommation de loisirs qui le fera exister « hors de lui », le laissera toujours dans un état d’insatisfaction. Le philosophe constate que l’homme a besoin d’être absorbé, de se divertir pour remplir ce « vide » afin d’éviter de se tourner vers lui-même, de s’oublier, de s’étourdir. Sans distraction, l’homme est accablé. Le philosophe ne condamne pas le loisir, mais condamne la manière dont l’homme en abuse, notamment dans des activités qui ne lui procurent que des plaisirs éphémères.

Finalement, les bienfaits des vacances ne sont plus à redéfinir car nous constatons tous que les vacances sont INDISPENSABLES. Il est nécessaire de savoir vers quelle voie nos cœurs penchent : délassement, divertissement ou développement. Et pourquoi pas les 3 en même temps ?!

Najoua


[1] Tiré de l’article du site coindusalaire.fr, L’histoire des congés payés et comparaison par pays.

Pour en savoir plus :

*Un article de Catherine Ernens dans le site du magazine Moustique.be, à la date de 8 juillet 2019.

*Le site magenealogie.eklablog.com retrace l’historique des vacances scolaires du 17 iéme siècle jusqu’au 20 ième siècle : Petite histoire des vacances scolaires, article de Srose, septembre 2019 dans la rubrique Histoire en vrac.

*Le site de lalibre.be publie un article en janvier 2014 sur le sujet Depuis quand et pourquoi existent les grandes vacances ?

[2] Tiré de l’article du magazine Moustique cité au note 1 de bas de page : Pierre Tilly, professeur à l’UCLouvain, expert en Histoire du syndicalisme. 

[3] D’après le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), vacance vient du latin vacare et désigne un état de ce qui est vide, inoccupé.

[4] D’après le dictionnaire Larousse, loisirs désigne le temps dont on peut disposer librement en dehors de ses occupations habituelles et des contraintes.

[5] Joffre Dumazedier, Vers une civilisation du loisir ? Edition : Seuil, publié en 1972. La première parution de son livre fut en 1962 au Edition : MKF, Paris.

[6] Sociologue français du 20 ième siècle (1915-2002).

[7] Blaise Pascal, Pensées. Numéro 131 (La lassitude).

[8] Philosophe, mathématicien, physicien, théologiens français du 17 ième siècle (1623-1662

Abattage rituel: fin de la saga?

A Bruxelles, la question de l’abattage avec ou sans étourdissement n’est toujours pas tranchée. Si la Flandre et la Wallonie ont décidé d’imposer l’étourdissement avant tout abattage de bovins, à Bruxelles, la question a été repoussée plusieurs fois. La commission de l’Environnement du parlement bruxellois a donc démarré une série d’auditions de différents experts sur la question. Des représentants des communautés juives, musulmanes, les Abattoirs d’Anderlecht, la Fédération des boucheries Halal, des scientifiques ont donc été entendus au cours des quinze jours écoulés.

Les auditions ont pris fin hier mercredi, jour également choisi par le cclc, collectif citoyen pour la liberté de culte pour déposer leur pétition qui a récolté un peu plus de 127 000 signatures. « Il s’agit d’un collectif citoyen qui est né en réaction au débat bruxellois en matière du bien-être animal et de l’abattage rituel. Ce collectif veut faire entendre sa voix dans ce débat. Une pétition a récolté 127074 signatures (certifiée par huissier) dont 80% de Bruxellois, des personnes de confession musulmane, juive, athées, des catholiques. C’est énorme et du jamais vu à Bruxelles. On parle de plus en plus de démocratie participative, c’est un signal que les parlementaires ne peuvent nier » explique Alexis Deswaef, avocat du collectif.

127 074 signatures de citoyens contre l’imposition de l’étourdissement, dont 80 % de Bruxellois

Une question sensible

Après ces auditions, les membres de la commission décideront mercredi prochain de la suite à donner aux débats. Il s’agit clairement d’une question sensible à laquelle les députés bruxellois doivent répondre : l’abattage rituel peut-il se pratiquer sans étourdissement ? En Flandre et en Wallonie, la réponse est non, il est interdit. Les arrêtés d’application sont entrés en vigueur en août dernier. La Cour de Justice de l’Union européenne a d’ailleurs donné raison aux Régions, mais les communautés juives et musulmanes ont porté l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme(CEDH). Certains textes affirment que les États peuvent interdire l’abattage sans étourdissement mais qu’il peut exister l’exception liée à la pratique religieuse. Pour les deux communautés confessionnelles, il s’agit tout simplement d’une interférence de l’État dans le culte. Un avis partagé par Ahmed El Khanouss, conseiller communal bruxellois. « Je pense qu’avec les auditions et la mobilisation citoyenne, il serait aujourd’hui totalement incompréhensible que les parlementaires votent en faveur de ces propositions. Je connais le contexte qui a permis le vote de ces lois en faveur de l’étourdissement en Wallonie et en Flandre, il n’a rien à voir avec la question du bien-être animal. Ceux-là même qui imposent l’étourdissement s’érigent en défenseurs de la chasse parce qu’elle ferait partie de la tradition mais ils refusent aux musulmans ou aux juifs de pratiquer leur religion. Le bien-être animal a bon dos… Il s’agit de questions religieuses et les politiques n’ont pas à interférer dans ce domaine. »

Plusieurs propositions d’ordonnance

Plusieurs propositions d’ordonnance ont été déposées par Défi, Groen, l’Open Vld, le Vlaams Belang et la NVA dans le but d’interdire l’abattage sans étourdissement. La semaine prochaine, les députés seront donc amenés à se prononcer sur ces textes. Et le débat risque d’être tendu tant la question est sensible et les enjeux importants. « « Plusieurs possibilités sont envisageables après la fin des auditions : passer au vote, certains peuvent aussi demander la suspension de la discussion mais cela n’a pas d’intérêt, ou enfin, certains pourraient demander d’apporter des amendements aux différents textes mais là aussi, je pense qu’il s’agirait avant tout de perdre du temps » explique Jamal Ikazban, chef de groupe PS au parlement bruxellois. « De mon point de vue, il ne sert plus à rien de tourner autour du pot. Il faut aller au vote. Je passe beaucoup de temps à compter les voix et pour l’instant, le scénario est en notre faveur. Mais les indécis sont nombreux et les absences lors du vote pourraient renforcer l’autre camp, ce qui serait délicat. »

50% des boucheries bruxelloises sont halal…

Une question économique

Aux Abattoirs d’Anderlecht, 80% des mises à mort se font selon l’abattage rituel sans étourdissement. La société, entendue lors des auditions, craint une grande diminution de son activité si l’ordonnance est acceptée. Autre acteur du secteur inquiet, la Fédération des boucheries Halal de Belgique. A Bruxelles, 50 % des boucheries bruxelloises sont Halal… Si Bruxelles ne peut plus proposer de la viande halal ou casher, les clients iront ailleurs. Les deux acteurs économiques soulignent par ailleurs la question du circuit court puisque la France et d’autres pays plus éloignés encore comme la Pologne proposent de la viande certifiée halal, les bouchers se tourneront donc vers ces filières. Cela ne fait donc que déplacer le problème… « Les arrêts de la cour constitutionnelle indique qu’il faut pouvoir continuer à garantir aux musulmans et aux juifs de pouvoir s’approvisionner en viande certifiée halal et casher. Mais si en Belgique, ce ne sera plus le cas, il faudra donc aller s’approvisionner à l’étranger. Par ailleurs, on ne peut porter atteinte à un droit constitutionnel si l’on n’a aucune garantie que l’étourdissement diminue la souffrance animale. Or sur la question, il n’y a pas de consensus scientifique. Mais par contre, elle porte atteinte aux musulmans et aux juifs qui peuvent se sentir stigmatisés, discriminés alors que la chasse est toujours autorisée chez nous. On part en croisade pour les deux dernières minutes de vie d’un animal mais on ne s’intéresse pas à toute sa vie, son transport, cela paraît quelque peu hypocrite. Je comprends que ces communautés se sentent alors visées » insiste Alexis Deswaef, avocat du cclc, collectif citoyen pour la liberté de culte.

Le vote en commission le 8 juin

La prochaine séance de la commission est prévue le 8 juin prochain. Au moment du vote, l’attention se portera sur l’ordre des textes. En effet, la commission discute de trois textes sur l’étourdissement avant l’abattage : celui du Vlaams Belangs celui de la N-VA et celui de Défi / Groen / Open VLD… Sans changement d’ordre du jour, celui du Vlaams Belang sera votée en premier. « Cela va poser question. Cela va être un problème en commission. Il est fort possible que défi demande la modification de l’ordre de passage des votes. J’avoue que cela nous fait sourire si le texte du Vlaams Belang devait passer en premier, puisque c’est une proposition qui a toujours été portée par l’extrême droite, cela permettra aussi de leur envoyer un signal clair » sourit Jamal Ikazban. Pour le cclc, les députés bruxellois doivent voter contre le texte. « La demande du collectif n’est pas que le texte soit retiré, ce serait un aveu de faiblesse mais de voter ces propositions de loi, pour envoyer un signal de confiance et d’inclusion » constate Alexis Deswaef qui ajoute « nous sommes tous pour le bien-être animal, la question n’est pas là. Le débat a été volontairement biaisé. Il y a toujours cette dualité : nous contre eux. Par rapport au défi bruxellois, nous pouvons clairement nous passer de ces questions clivantes. » Même son de cloche du côté du cdH Ahmed El Khannouss : « Ces débats n’ont pour seule utilité que de détourner l’attention de l’opinion publique. Ils visent à fragmenter la société bruxelloise, et donne une image des musulmans qui auraient des pratiques barbares, qui couvriraient leurs femmes par des burkini et se promèneraient avec des couteaux entre les dents. Soyons sérieux, c’est rendre service aux extrémistes de tout bord. »

H.B.