Le patrimoine mondial de l’UNESCO a été octroyé à quatre sites miniers wallons dont celui du Grand-Hornu (Mons), celui du Bois-du-Luc (La Louvière), du bois du Cazier (Charleroi) et de Blegny-Mine (Liège) il y a exactement dix ans, ce vendredi 1er juillet 2022.[1] Cette reconnaissance de l’UNESCO nous replonge dans l’histoire de la Belgique et plus particulièrement celle de l’après-guerre. Mais elle nous replonge également, entre autres, dans l’histoire de l’immigration marocaine en Belgique. Les descendants de cette immigration, vieille de plus de 50 ans, les Marocains de Belgique, présentent aujourd’hui d’un point de vue démographique la minorité ethno-culturelle d’origine étrangère la plus importante du pays[2]. Cette histoire, bien trop peu connue mais pourtant fondamentale mériterait sa place dans les livres scolaires. Mais afin de la comprendre et d’en connaître les jalons, replongeons dans l’après-guerre.
Après la deuxième guerre mondiale, la Belgique est dévastée et doit être reconstruite. Elle se lance alors dans une nouvelle bataille : la fameuse « bataille du charbon ». La Belgique est riche en charbon, « l’or noir ». Après la Seconde Guerre mondiale, l’industrie minière belge est à son apogée mais voit sa population refuser de travailler dans les mines de charbon. Le travail y est trop pénible et surtout très dangereux.
Le patronat se retrouve face à une pénurie de main d’œuvre. Après des tentatives mal accueillies d’envoyer dans les mines des prisonniers de guerre allemands, puis des inciviques[1], la Belgique se tourne alors vers des pays exportateurs de main d’œuvre étrangère poussée par les milieux patronaux. Le gouvernement signe alors des accords avec des pays étrangers dont l’Italie. Ces deux gouvernements signent un protocole le 20 juin 1946 : pour tout travailleur italien qui descendra dans une mine en Belgique, 200 kg de charbon par jour et par tête seront livrés à l’Italie.[2] Cet accord est surnommé « des hommes contre du charbon ».[3]
Mais la catastrophe de Marcinelle le 8 août 1956 et la mort de 262 victimes dont 136 Italiens dans un incendie remettent en cause les accords belgo-italiens. L’Italie décide alors de mettre fin à toute immigration dans les mines européennes.

Le Maroc, pays exportateur de main d’œuvre
La Belgique se tourne vers d’autres pays exportateurs de main-d’œuvre hors Europe dont le Maroc. La situation du Maroc est particulière. Une stagnation économique, sociale et politique laisse le pays dans un état de sous-développement, se traduisant entre autres par une production agricole insuffisante et une population croissante générant inactivité et sous-emploi. Cet accord avec la Belgique se veut être un soulagement de la situation sociale du Maroc et un moyen d’expansion économique de la Belgique. Le Maroc pratique alors une politique d’immigration basée sur un concept marchand. L’objectif est alors d’exporter un maximum de travailleurs afin que ceux-ci rapportent un maximum de devises.
Mais il faudra attendre 1962 pour envisager une convention officielle entre les deux pays. Des fonctionnaires seront alors désignés par l’ambassade belge à Rabat pour recruter les candidats sur place au Maroc. Des centres régionaux subventionnés sont mis en place et dont le rôle sera d’octroyer des permis de travail aux travailleurs marocains. Dans un premier temps, une correspondance s’établira dans laquelle on soulignera trois termes : pénurie, urgence et recrutement. Le patronat charbonnier a besoin d’un grand nombre de travailleurs. Cet accord s’axe donc plus sur l’aspect économique en oubliant l’aspect social et culturel de ces nouvelles recrues fraîchement débarquées. Dans un second temps, les autorités belges soumettent un projet de convention et le gouvernement marocain ne cache pas son désir de faciliter l’émigration.
La convention belgo-marocaine entre en vigueur lors de sa ratification le 17 février 1964 mais ne sera publiée dans Le Moniteur belge que bien plus tard, en 1977. Cette convention est valable pour une période d’un an avec la possibilité d’être reconduite chaque année. On voit se dessiner les prémices d’une immigration dont le cadre légal était encore en construction. Durant trois années, de 1962 à 1964, la situation de la Belgique est telle que les autorités belges négligent le principe d’autorisation et régularisent même des Marocains arrivés comme « touristes ».
Mais que deviennent ces candidats travailleurs ? Qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? Qu’adviendra-t-il d’eux perdus dans l’obscurité de ces mines de charbon ? La suite au prochain épisode…
O.D.
[1] http://connaitrelawallonie.wallonie.be/fr/histoire/timeline/20-juin-1946-des-hommes-contre-du-charbon#.YsNUeS3pNxg
[2] http://connaitrelawallonie.wallonie.be/fr/histoire/timeline/20-juin-1946-des-hommes-contre-du-charbon#.YsNUeS3pNxg
[3] http://connaitrelawallonie.wallonie.be/fr/histoire/timeline/20-juin-1946-des-hommes-contre-du-charbon#.YsNUeS3pNxg
[1] https://www.rtc.be/video/info/patrimoine/blegny-mine-10-ans-d-inscription-au-patrimoine-mondial-de-l-unesco-_1513103_325.html