La guerre n’a ni couleur, ni religion, ni ethnie, ni terre. Elle s’installe, s’éternise sur les territoires et ces habitants n’ont de but que de survivre et de se maintenir en vie quoi qu’il arrive ; quitte à s’exiler loin de chez eux pour aspirer à un avenir meilleur pour eux et leurs familles. Fuir la guerre, la famine, le siège, la dictature ou rester en sursis, pour une vie de résistance en côtoyant la mort à chaque instant, voilà le dilemme d’un exilé.
2015. Première grande crise migratoire du XXIe siècle, où des centaines de milliers de familles syriennes fuyaient leur pays dévasté par la guerre civile, via la Turquie afin de trouver refuge en Europe. Six ans après, des Syriens sont cette fois-ci bloqués aux frontières de la Biélorussie et de la Pologne, pris au piège comme des pions d’un échiquier sur fond de rivalités politiques. Refoulés des deux côtés, des hommes et des femmes ainsi que des enfants se retrouvent bloqués le long de la frontière forestière des deux pays. Rares sont les images et les informations réelles car les journalistes et les ONG n’ont pas accès à cette zone frontalière. C’est à croire que le « jeu » perdurera jusqu’à ce qu’un camp fasse « échec et mat ». Un duel entre intérêt économique et intérêt politique ! Mais où est l’intérêt humain, la dignité ?
Une crise humanitaire avant tout
Le problème est devenu un tas de poussière qu’on voudrait cacher sous le tapis ; alors que des pays durcissent le ton en projetant de construire un mur, d’autres encore veulent ignorer l’urgence du problème. Cette crise migratoire est une crise humanitaire, elle va de la responsabilité de tous les pays du monde et pas seulement de l’Europe. Nous sommes en 2021 et la question des réfugiés n’est plus le sujet numéro un dans l’opinion publique de l’Europe, plus préoccupée par la reprise économique et sociale après la crise du covid (crise dont nous ne sommes pas encore sortis). Il faut parfois des drames humains pour remettre autour de la table les politiques sur la crise migratoire.
A la question du traitement de l’information des médias européens sur le conflit syrien, certains médias ne distinguent pas l’affrontement qui dure depuis plus de 10 ans et le voient comme une affaire de terrorisme ; et parfois (quand la Syrie devient un sujet d’élection) on montre un pays devenu plus calme et plus ouvert aux changements, et les Européens ne comprennent pas pourquoi les réfugiés ne retournent pas dans leur pays.
Pour ne pas oublier
Pour ceux et celles qui se demandent pourquoi ils viennent en Europe, voici la réponse en 1h35 de film. « Pour SAMA, journal d’une mère syrienne »[1] est un reportage pour que la guerre en Syrie ne devienne pas un conflit oublié. Ce documentaire est dédié à SAMA, la petite fille de la journaliste Waad Al Kateab, un message d’amour et un cri de détresse lancé au reste du monde. Un témoignage intime sans être voyeuriste, pour sauvegarder la mémoire d’un conflit vécu de l’intérieur, au quotidien. Un témoignage au monde entier des horreurs d’une guerre civile dont l’Occident et sa population ne semblent pas prendre conscience, comme dans tant d’autres hostilités.
Les images tremblent. Au détour d’un couloir, une déflagration, la panique et la poussière qui rend l’air irrespirable. Dans le sous-sol de l’hôpital où travaille Hamza, le mari de Waad, des blessés s’entassent… « SAMA, tu es ce qui nous est arrivé de plus beau. Mais quelle vie ai-je à t’offrir, toi qui n’as rien demandé à personne ? » s’interroge Waad en contemplant sa petite fille de quelques mois. Du rire aux larmes, des petits bonheurs aux grandes terreurs, Waad Al Kateab a filmé pendant 5 ans, l’espoir né à Alep avant que le chaos ne s’empare de la ville assiégée. Pour son enfant, qui sourit entre ses bras et sursaute au fracas des tirs, la jeune femme saisit un monde solidaire aux abois, où chacun se débat pour sa survie mais aussi pour celles des autres. Waad témoigne de l’horreur ordinaire : « Jamais nous n’aurions imaginé que le monde puisse permettre cela ! ».[2]
Ce reportage est un condensé de notre humanité, dans tout ce qu’elle a de pire et de meilleur. Et peu importe le nom que les partis politiques leur donnent : refugiés ou migrants, il serait intéressant de se questionner à propos de notre accueil. C’est pourquoi, ce documentaire s’adresse d’une part, à nous, pour changer le regard que nous portons sur les réfugiés et d’autre part, aux décideurs et aux personnes qui ont du pouvoir, à ceux qui peuvent faire la différence…
Najoua
[1] Pour SAMA, journal d’une mère syrienne. Sortie en juillet 2019 aux États-Unis, puis en Europe en octobre 2019, il reçut divers récompenses et prix dont l’Œil d’Or du meilleur documentaire au festival de Cannes en 2019. Documentaire de Waad Al Kateab et Edward Watts.
[2] Tiré du site www.arte.tv, documentaire diffusé le mardi 9 novembre 2021 à 20h25.